L'aube
 

Avant tout matin, parce qu'il n'était encore ni terre qu'un soleil réchauffât, ni temps qu'un merle enchantât; avant tout espoir parce qu'il n'y avait encore aucune défaite à regretter ni même de désir douloureux à rassasier; à l'extrême pointe de la nuit grise mais quiète cependant, se tenait Il est.

Seul.

Où qu'il portât son regard, il n'envisageait que Lui. Où qu'il prêtât l'oreille, il n'entendait encore que l'ultime rémanence de son nom: YHVH

Alors, las de tant d'incantation, il saisit, de ses deux mains jointes, les quatre lettres de feu qui composaient sa puissance et les projeta au loin dans le néant.

Le Yod s'enroula sur lui-même comme la foudre sur elle-même entrelacée puis il auréola la face du Seigneur. Mais l'espace qu'il avait parcouru du néant vers la face de Dieu était désormais illuminé.

Dieu n'était plus silence mais Lumière.

Le Hèt fragile, presque titubant, retomba maladroitement sur ses pieds, manquant presque de tomber mais se retint à son double. Accoudés l'un à l'autre, sans même réaliser qu'ils inventaient par là l'union et le compagnonnage.

Dieu n'était plus silence mais amour.

Le Vav  curieusement, resta suspendu dans les airs, tel le glaive: ses deux branches convergentes semblèrent, selon que l'on regardait d'un côté, réunir, solidement attachés, les deux versants du monde ainsi créé; et de l'autre, ouvrir tout l'éventail de l'histoire possible.

Dieu n'était plus silence mais Messager.

De Son nom enfin épelé, Dieu venait d'inventer la puissance, l'amour et la justice.

Alors, pour la première fois, Dieu sourit.

Savait-il, pouvait-il savoir que ce serait pour la dernière fois.

 

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