Provocation ou ironie ?

Lexique 2008 Quelques portraits

 

Ultra-célèbre, cette photographie l'est sans doute aussi parce qu'elle dénote toute une époque, en même temps sans doute que ce qu'alors on appela les événements.

A gauche un CRS grand, de trois quart dos, qui regarde Cohn-Bendit, lequel le toise d'un sourire facétieux; en arrière plan un entrelacs d'étudiants et de casques !

 On remarquera que la ligne tracée par ce regard partage la diagonale de la photo :

A gauche, la masse noire que représente l'ordre, dans un face à face inversé où celui qui toise l'autre c'est non pas la puissance mais le désordre, non pas le grand mais le petit, comme si on dessinait ici la vanité des puissants susceptibles de succomber à n'importe quel vent mauvais ! ou que la légèreté de la révolte, l'insouciance naïve de l'impétuosité pussent à jamais suffire à bousculer les ordres les mieux établis !

Car il s'agissait bien de cela: du choc de deux temporalités, celle d'une jeunesse, nombreuse, pétulante, avide d'inventer la modernité coincée par la temporalité épuisée des deux guerres de cette France, désormais vieillie qui fut capable de préserver l'essentiel mais si rétive à abandonner ce XIXe siècle qui ne se décidait pas à mourir ! Des deux côtés de la ligne, deux France qui se toisent, qui s'insurgèrent chacune à leur manière  même si la première incarna la résistance de la volonté quand l'autre seulement les délices de la velléité !

L'une accoucha de l'autre et se rassemblent ici comme le marteau, l'enclume !

J'aime, je l'avoue, ce personnage pour la pusillanimité au moins autant que pour la bravade.

Il sut rester, toujours, en marge, à côté, entre deux: il le paya d'impuissance ! mais pas de compromissions !

Le Monde du 30 Juillet 08 lui consacra, ainsi qu'à son frère, un assez joli portrait !