L'homo
sapiens est beaucoup plus porté à l'excès que ses prédécesseurs et son règne
correspond à un débordement de l'onirisme, de l'éros, de l'affectivité, e la
violence. C'est un être d'une affectivité intense et instable qui sourit,
rit, pleure, un être anxieux et angoissé, un être jouisseur, ivre,
extatique, violent, furieux, aimant, un être envahi par l'imaginaire, un
être qui sait la mort et ne peut y croire, un être qui sécrète le mythe et
la magie, un être possédé par les esprits et les dieux, un être qui se
nourrit d'illusions et de chimères, un être subjectif dont les rapports avec
le monde sont toujours incertains, un être soumis à l'erreur, à l'errance,
un être lubrique qui produit du désordre. Et comme nous appelons folie la
conjonction de l'illusion et de la démesure, de l'instabilité, de
l'incertitude entre réel et imaginaire, de la confusion entre subjectif et
objectif, de l'erreur, du désordre, nous sommes contraints de voir l'homo
sapiens homo comme demens.
Tout animal doué de ces tares démentielles aurait sans
doute été impitoyablement éliminé par la sélection darwinienne. Pour le
biologiste, il est inconcevable qu'un animal si mal ajusté ...Ait pu non
seulement survivre, mais encore accomplir dans l'univers hostile et le froid
des glaciations des progrès techniques, intellectuels et sociaux décisifs.
Dès lors, il faut plutôt penser que les déferlements de l'imaginaire, que
les dérivations mythologiques et magiques, que les confusions de la
subjectivité, que la multiplication des erreurs et la prolifération du
désordre, loin d'avoir handicapé l'homo sapiens, sont au contraire liés à
son prodigieux développement.