Négocier (fin)

Négocier c'est instrumentaliser

Le latin avait ses sagesses, on le sait : le négoce n’y est jamais que le contraire de cet otium qui est repos à la fois loin des affaires et du politique ; qui est loisir studieux. Cette langue qui ne parvient pas à définir positivement le négoce, traduit évidemment cette approche antique qui n’avait que mépris pour un travail qui vous enchaînait à l’apparente superficialité du réel plutôt que de vous consacrer à ce qui importe et dure !

 Dans tout négoce, il y a bien, descente sinon aux enfers, en tout cas aux affaires ! Aux choses ! C’est bien la marque de ce qui fait la dynamique de notre société industrielle : sa capacité à tout transformer en marchandise échangeable ; à ne le considérer en tout cas que comme tel !

En l’occurrence, quelque chose ici, dans le négoce, qui s’insurge ab ovo contre ce temps, que l’on prend, à l’écart, pour apprendre, comprendre, surprendre ! Bref, pour concevoir ! C’est bien d’une affaire de temps dont il s’agit ; de ce temps qui vous met à l’écart de la turbulence ; qui vous permet de souffler – et j’aime à me souvenir que c’est bien pneuma qui chez les grecs désignait l’esprit ! Cet écart de la pensée et de la conscience, où se joue toute notre odyssée, où Hegel voyait à la fois notre puissance et nos conflits, par où l’homme cesse d’être immédiatement du monde pour se retrouver en même temps devant ce monde, avec l’obligation de s’y inventer dès lors une place ; cet écart que désigne si bien le laboratoire ou l’éprouvette, est bien la condition sine qua non et la forme que revêt la pensée, philosophique ou scientifique ; l’otium !

Dès lors, le négociateur irrémédiablement vous enchaîne qui ralentira – au mieux – ou empêchera – au pire – toute démarche rigoureuse, scientifique !

Non décidément faire de l’université une affaire marchande revient inexorablement à en attendre une performance, une plus-value ! Qui ne désire une fin bonne ? qui pourrait rejeter efficacité et performance ? La liberté finalement n’opine que sur les moyens : où, décidément je renâcle ! Le négoce, ici, nous rive au réel dans ce qu’il peut avoir de plus trivial : à la plus-value !

Du dialogue à l’échange ; de l’échange au négoce ! Quelle descente !

 Sans doute pourra-t-on bientôt dire du négociateur ce que Hugo écrivait à propos de Cimourdain dans 93 :

 Il méditait comme on se sert  d’une tenaille !