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L'Europe vole au secours de l'Irlande pour rassurer les marchés

Bruxelles Bureau européen
L'Espagne et le Portugal restent les autres maillons faibles de la zone euro

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Cette fois, ce sont les pays de la zone euro qui temporisent, pour mieux imposer leurs conditions. Longtemps soucieuse de préserver sa souveraineté, l'Irlande s'est résolue, dimanche 21 novembre, à solliciter l'assistance financière de ses voisins européens et du Fonds monétaire international (FMI). Les ministres des finances de la zone euro et de toute l'Union ont " salué " cette requête, le meilleur moyen, selon eux, d'éviter la contagion qui menace les autres maillons faibles de l'union monétaire, le Portugal et l'Espagne. Avec le FMI, ils se tiennent prêts à agir dans les deux semaines.

Après une série de conférences téléphoniques, dont l'une avec les grands argentiers du G7, en présence du directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, les Européens se sont refusés à activer aussitôt le plan d'aide susceptible de stabiliser l'ancien " Tigre celtique ". L'heure est encore, d'après eux, aux négociations afin d'évaluer les besoins, et, surtout, les contreparties de l'aide extérieure.

Au sujet des besoins, l'assistance envisagée devrait représenter entre 80 et 90 milliards d'euros, sur trois ans. Deux tiers de l'enveloppe seront pris en charge par les Européens, le reste par le FMI. Didier Reynders, le ministre belge des finances, dont le pays assure ce semestre la présidence tournante des Vingt-sept, a indiqué que le montant serait quoiqu'il arrive de " moins de 100 milliards d'euros ". Une estimation avancée depuis quelques jours par son homologue irlandais, Brian Lenihan.

En réalité, le chiffrage final va dépendre des conclusions de la mission de la Commission, de la Banque centrale européenne (BCE) et du FMI, dépêchée à Dublin depuis jeudi.

La priorité est double : éviter le naufrage du secteur bancaire, via la création d'un fonds dédié inclus dans le prochain paquet, mais aussi stabiliser les finances publiques. " Si nous apportons maintenant la bonne réponse au problème irlandais, nous aurons de grandes chances d'éviter des effets de contagion ", a observé Wolfgang Schäuble, dans la soirée.

L'aide ne sera pas activée avant la fin des négociations engagées au sujet du programme d'ajustement exigé par la zone euro, et par le FMI. Un plan de restructuration du secteur bancaire, mis à terre par l'éclatement de la bulle immobilière, est à l'étude.

Très affaibli sur le plan politique, le gouvernement irlandais devrait présenter mardi 23 novembre le vaste plan d'économies qu'il prépare depuis plusieurs semaines sous la pression de ses futurs soutiens internationaux. Un plan qu'il espère faire adopter d'ici au 7 décembre, en dépit d'une majorité très fragile au Parlement.

" Ligne rouge "

Il s'agit de ramener le déficit de 32 % du PIB cette année, à moins de 3 % en 2014. Une nouvelle taxe foncière, des réductions du salaire minimum, des allocations familiales et des indemnités aux demandeurs d'emploi sont à l'ordre du jour. " Ces mesures sont passées au crible par la mission de la commission, de la BCE, et du FMI ", dit-on à Bruxelles, sans exclure de réclamer des efforts supplémentaires.

Pour peser sur les derniers arbitrages, les grands argentiers européens ont demandé " un programme politique fort ", afin de régler les problèmes budgétaires du pays de " manière décisive ". Avant de parler à ses homologues, Wolfgang Schäuble a plaidé pour des " conditions très strictes ". D'après Klaus Regling, le patron du Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place en mai par la zone euro après le sauvetage chaotique de la Grèce, un tel programme est " indispensable, car les pays concernés ne perdent pas sans raison l'accès aux marchés financiers ".

La hausse éventuelle de l'impôt sur les sociétés demeure au coeur des discussions. Dimanche soir, Christine Lagarde, la ministre de l'économie, et M. Schäuble ont réclamé une telle réforme, lors des conférences téléphoniques menées avec leurs homologues. M. Lenihan n'a pas répliqué. Le faible niveau de l'impôt sur les sociétés, une des clefs de l'attractivité irlandaise dénoncée de longue date par les pays du continent, est pourtant considéré comme une " ligne rouge " par le gouvernement de Dublin.

Enfin, lundi 22 novembre, le ministre des finances britannique George Osborne a annoncé que le Royaume-Uni accorderait un prêt bilatéral à Dublin d'environ 7 milliards de livres (environ 8 milliards d'euros). La Suède, qui elle non plus ne fait pas partie de la zone euro, devrait en faire de même, pour un montant sensiblement inférieur.

En aidant l'Irlande, les Européens auront-ils réussi à éviter la contagion aux autres maillons faibles de la zone euro ? Le ministre portugais des finances Fernando Teixeira dos Santos s'est réjoui, lundi matin, d'un plan qui " apaise les craintes, réduit les incertitudes et renforce la confiance des marchés. " Au même moment, l'euro cotait en hausse, à 1,3750 dollar. Les places boursières européennes ont ouvert sur des progressions. A Francfort, l'indice Dax gagnait 0,78 % pour s'établir à son plus haut niveau depuis juin 2008.

Philippe Ricard

© Le Monde

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