La rigueur. Partout. En
France, cela fait déjà un bon moment que François Fillon s'en est fait
le chantre, n'hésitant pas, contrairement à Nicolas Sarkozy, à prononcer
le mot. Dans son discours de politique générale à l'Assemblée
nationale, mercredi 24 novembre, le premier ministre a martelé le thème,
tout en plaidant pour la poursuite des réformes.
" Tous les
efforts sont concentrés autour d'un choix politique que nous assumons :
c'est le choix de la vertu budgétaire, au nom de notre indépendance, au
nom des solidarités de demain ", a déclaré M. Fillon.
Alors
que les difficultés de l'Irlande mettent à nouveau à mal l'Europe et
l'euro, faisant peser un risque de renchérissement du coût de la dette,
M. Fillon a réaffirmé sa volonté d'" inscrire dans la Constitution des principes garantissant la maîtrise des finances publiques ".
" Il faut nous libérer des déficits pour maintenir les taux d'intérêt à
un niveau aussi bas que possible et pour retrouver des marges de
manoeuvre ", a martelé le premier ministre.
Rappelant que la
France a pris l'engagement de réduire son déficit public de 7,7 % du PIB
cette année à 3 % en 2013, M. Fillon a souligné que " cette trajectoire vertueuse exige une mobilisation sans faille ".
L'Etat va geler ses dépenses à leur niveau de 2010 pendant trois ans,
ainsi que les financements aux collectivités locales. Reste la Sécurité
sociale, dont le " trou " devrait s'élever à 23 milliards d'euros en
2010
Une " concertation nationale " sur la protection sociale va être lancée, dont l'objectif sera de trouver les moyens " de réguler les dépenses de santé " et de " diversifier les modes de financement ". " Nous ne devons pas laisser dériver les comptes de l'assurance-maladie par démagogie ", a assuré le premier ministre.
En
posant la question du financement à venir de l'ensemble de la
protection sociale, et non pas seulement de la dépendance, comme l'avait
fait M. Sarkozy le 16 novembre, François Fillon a créé, mercredi 24
novembre, la surprise.
La concertation devra " examiner les
voies et les moyens de réguler les dépenses de santé, de fixer la part
des régimes obligatoires et complémentaires et de diversifier les modes
de financement ", a précisé le premier ministre au pupitre de l'Assemblée nationale. Le débat est lancé, l'objectif étant " la sauvegarde et la modernisation de notre système de protection sociale, selon les mots de M. Fillon.
Malgré
un déficit en hausse, du fait, notamment, de la crise, le gouvernement
avait jusqu'à présent continué de privilégier des mesures classiques de
maîtrise de dépenses (baisses de remboursements ou instauration de
forfaits). Les députés, de droite comme de gauche, disaient l'urgence de
s'attaquer au sujet.
" Aveu d'enterrement "
Les
associations de patients, et des professionnels, comme dernièrement le
Mouvement de défense de l'hôpital public, réclamaient pour leur part un
débat sur l'avenir de l'assurance-maladie, constatant son recentrage
progressif sur le " gros risque ", soit l'hôpital et les affections de
longue durée, et l'envolée des coûts de la santé dans le budget des
ménages.
Cependant, la direction que prend M. Fillon inquiète déjà. "
En matière de protection sociale, le premier ministre parle de
concertation pour déterminer ce qui doit relever de l'assurance
obligatoire ou facultative, collective ou individuelle. Cet aveu
d'enterrement des principes fondateurs de la Sécurité sociale marque une
régression ", a réagi Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC mercredi.
" M. Fillon a créé plus d'inquiétude qu'il n'a apporté d'assurances sur la pérennité du système ", estime la députée socialiste Marisol Touraine, qui craint la " tentation du gouvernement de tester avec le dossier dépendance un nouveau mode de prise en charge des risques sociaux ", avec pour effet un " recul de la solidarité collective au profit de l'assurance privée ".
Personne n'a oublié les propos de Nicolas Sarkozy qui, en 2007, avait dit vouloir accentuer la part de " responsabilité individuelle "
dans la couverture des soins. Les complémentaires de santé sont
d'ailleurs prêtes à davantage s'investir, à condition d'avoir leur mot à
dire sur les remboursements et l'évolution du système.
Aucun
calendrier n'a été fixé pour la concertation, mais il est clair que rien
ne sera tranché sur la santé avant l'élection présidentielle 2012. Yves
Bur, député UMP du Bas-Rhin, rapporteur du budget de la " Sécu ", y
voit un moyen de commencer à " sensibiliser les Français aux problèmes de financement de la santé ", et donc le signe que ce débat sans cesse reporté aura enfin lieu lors de la campagne pour l'élection présidentielle.
Peu
évoquée jusque-là, la santé revient comme un sujet fort de la fin du
quinquennat. L'exécutif semble s'être réparti les rôles. Au premier
ministre l'annonce d'une réflexion sur le financement d'une
assurance-maladie sans cesse déficitaire. Au chef de l'Etat, le
rabibochage avec les médecins.
Déficit public
M. Sarkozy
recevra vendredi un rapport d'Elisabeth Hubert, ancienne ministre de la
santé, sur l'attractivité de la médecine de proximité. Il a déjà
indiqué, mardi 23 novembre, au congrès des maires qu'il souhaitait voir
évoluer leur mode de rémunération.
Les impératifs qui président à
l'exercice sont clairs. En tout cas dans l'esprit de M Fillon : la
France doit impérativement réduire son déficit public. Pour tenter
d'instituer une règle d'équilibre des finances publiques, le premier
ministre a précisé qu'il saisira " prochainement les groupes politiques d'un document d'orientation ", afin de voir si " un consensus peut être atteint ".
Il s'agirait de fixer une obligation pour tout gouvernement, au
lendemain des élections législatives, d'inscrire dans son discours de
politique générale une trajectoire qui aboutirait à l'équilibre
budgétaire.
Un groupe de travail présidé par Michel Camdessus,
l'ancien patron du Fonds monétaire international, a préconisé que les
futures lois-cadre de programmation des finances publiques fixent " pour chacune des années de la période de programmation, un plafond de dépenses et un plancher annuel de recettes nouvelles ", seule façon, selon lui, de conduire à un effort structurel.
Il apparaît peu probable qu'un consensus puisse être trouvé car la gauche est hostile à une telle " règle d'or ". "
Ce gouvernement prétend inscrire dans une loi organique, voire dans la
Constitution, des principes de limitation de déficit et de dette qu'il a
violés tous les jours ", indiquent les socialistes.
Laetitia Clavreul et Philippe Le Coeur