Bonheur

Je vis intensément ce moment de bonheur
S Royal le 16 novembre 2006

 

Qu'il est difficile de manifester son bonheur, sans paraître niais! Délicat, voire impossible aussi, de le représenter. La santé, dit-on, c'est le silence des organes! la conscience ne vient que des heurts, des obstacles, que du commerce d'avec les objets!

Mille figures me viennent de la souffrance, ou du malheur. Je mis quelque temps avant de choisir celle-ci.

Au printemps frémissant, contempler la verte pulsion de l'être percer la flétrissure jaunie, sonne comme une victoire continuée, si magnanime, tellement miraculeuse d'absurdité que j'y entrevois l'ultime écho d'un refrain perpétuel. Comme si une once de l'humain, de génération en génération, de père en fils et de fille en mère, sautillait comme la mélodie transportée par les notes accrochées sur la portée. Quelque chose de la sempiternité semble ici se jouer: comme une promesse antédiluvienne que rien ni personne n'empêchera jamais de tenir, quelque chose qui nous porte et transporte parce qu'il y va de la nostalgie.

J'aime à penser l'humanité éternelle qui se joue dans la transmission perpétuée; j'ai crainte pourtant à deviner qu'ici aussi grincerait l'entropie laissant à chaque étape se perdre la sève de la fluidité originaire. Mais, au moins, bonheur, parce qu'il est ici question d'occurrence. De ce qui se présente, et s'approche.

Nous apprîmes de la dialectique combien nos parcours se jouent de la différence et, souvent, du conflit. Et s'il est vrai que notre devenir n'échappera jamais, ne le peut ni sans doute ne le doit, à la sanction de l'autre, à la collation avec le monde, il n'en reste pas moins que nos appétences ne nous feraient jamais nous mouvoir si n'était devant nous, ou si loin en arrière de nos amnésies, une figure de la quiétude, une nostalgie de la béatitude! Sombre exhalaison de la vie utérine, ou fable biblique, qu'importe!
Toute la difficulté à dire le bonheur tient à ceci: les mots n'ont affaire qu'au devenir et c'est bien pour ceci qu'ils peinent à cerner la différence qu'ils figent dans la combinatoire des identités,  faisant ainsi abstraction de ce qui seul importe. Le bonheur, lui, a commerce avec l'être et reste aussi peu dicible que cernable, pour ceci même.

Oui les mots ratent le bonheur même s'ils savent parfois le susciter! Ils figent le devenir et en escamotent la saveur! Ils arraisonnent  l'être comme on assiège une cité et ... l'épuisent!

 

Alors, lorsque j'entends l'impétrante savourer sa victoire je suis partagé entre l'agacement devant tant d'évidence, ou la vacuité du truisme et le risque pris à énoncer ce qui jamais ne se dit, qui parait toujours ridicule ou obscène.

J'aime qu'un politique avoue ce que nous savons tous: le goût du pouvoir et de sa conquête et je maudis cette archaïque méfiance que nous devons à Platon qui voulut confier le pouvoir précisément à ceux qui ne l'aimaient pas - les philosophes! Qu'on nous en garde! Je ne déteste pas qu'un politique nous parle d'autre chose que des malheurs du monde et si c'est vivre autrement le pouvoir que de ne plus le taire, si s'y annonce, quelque chose de cette féminité politique moins revendiquée que susurrée, alors pourquoi pas!

Mais pourquoi cette gêne dirimante, malgré tout?

Simplement de l'avoir vue, baisser les yeux sur sa page!

Fallait-il vraiment lire le bonheur?

 

 


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