Néologisme ou sophisme

 

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Le rentring

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Il fallait  être publiciste pour inventer cela! Le simulacre et la faute mêlés! Fallacieux anglicisme pour un très joli paradoxe.

Ce qu'on cherche à nous vendre via Internet c'est simplement l'idée que sortir le soir ou rentrer chez soi, c'est tout un! Qu'au fond, grâce à la triple offre Internet, TV et téléphone, c'est le monde entier qui entre chez soi, si bien qu'il ne serait plus ni utile ni souhaitable de vouloir le conquérir.

Inutile assurément de reprendre les vieilles antiennes susurrées au temps de l'avènement de la TV. Alors déjà, on fustigeait la défaillance de toute socialité, l'effritement de la famille elle-même comme conséquence inéluctable de l'omniprésence du totem audio-visuel! La famille souffre, mais est-ce de ceci? La socialité s'effiloche, même la sottise TF1 eût-elle pu y suffire?

Non! ce qui intéresse ici serait plutôt l'habile salmigondis permettant (mondialisation oblige, et flexibilité revendiquée) d'effacer incontinent toute frontière entre l'espace public et privé. Où que je sois, c'est dehors que je suis! Mais ce n'est pas le monde qui est à moi, c'est moi qui suis au monde. Rastignac pouvait de son humble promontoire toiser Paris; il ne le pourrait plus désormais!

Je m'amuse de songer que, dans l'affaire, la seule raison qui puisse encore faire sortir l'humble citoyen, reste encore son labeur. Sortir pour entrer en usine ou au bureau; entrer pour sortir au monde! Curieuse appétence de l'hyperactivité qui n'imagine pas qu'on puisse rentrer... pour ne rien faire, musarder ou méditer! Curieuse époque, décidément!

Nous avions déjà perdu le temps, voici que nous avons égaré l'espace.

 

1 Libération du 27 novembre 06