Incantation

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Voeux du Président

 

On se souvient du Je crois en la puissance des idées du Mitterrand de la dernière heure qui avait marqué tant ce credo suggérait une étrange grandeur.

De la succession des voeux ne demeurent assurément que les ultimes redondances de styles qui signent les homme: grandiloquence boursouflée d'histoire pour de Gaulle, volonté trépidante de sincérité pour Pompidou, affèterie pointue pour Giscard, sourire byzantin pour Mitterrand, vacuité tapageuse pour Chirac...

J'aime à me souvenir que le terme lui-même avant de signaler le simple souhait policé que l'on adresse à ses proches, ou non, renvoie d'abord à une promesse faite aux dieux, à un engagement spirituel.

J'aime à rappeler que le latin votum donne ainsi une même origine au vote électoral, à la promesse religieuse, ... au souhait!

Les fêtes de fin d'année répondent ainsi au sens de la fête tel qu'a pu le décrire Caillois : elles nous font sortir du quotidien pour le mieux supporter, d'où leur connotation à la fois extatique, religieuse et purgative. Et ces voeux y participent. Parole incantatoire, qui pèse sans doute moins pour ce qu'elle énonce, que pour ce qu'elle résonne: voix sacrée, pour ce qu'il y a de sacré en nous - la citoyenneté? - elle donne un sens à la ripaille qui s'ensuivra, où la débauche de moyens va de pair avec la pesanteur du quotidien.

Demain la campagne reprendra ses offensives, manœuvres et autres subterfuges: on y évoquera d'autant plus le quotidien qu'en réalité on l'aura esquivé.

Le discours politique, comme les voeux, relèvent ainsi de ces énoncés performatifs 1 qui échappent aux discours de vérité ou de constatation, pour vouloir être, paraître ( être?) des actes. S'installer ainsi dans la performance, c'est s'ériger au lieu du pouvoir, dans le cénacle sacré où se jouera la parousie ( ou la parodie du pouvoir), au pinacle où se forge le destin des hommes et s'exprime la volonté divine.

Oui ! parce que la parole performative par excellence reste encore le fiat lux  originel, celui qui ainsi s'adresse à nous, quémande nécessairement les ultimes hypostases du sacré, invoque les ultimes prébendes du pouvoir.

Ainsi le votum réinvente-t-il le dualisme: voeux ou vote, qu'importe, il nous jette toujours le long de cette ligne de partage qui sépare les dieux des hommes, faisant de nous les objets, jamais les sujets, d'espérances, d'actes ou de pouvoirs.

Le votum  est toujours affaire de foi, mais pour ce qu'il me réifie, de mauvaise foi!

 

1) voir Austin