De
toutes celles que je possède, c'est sans doute cette photo qui te ressemble le
plus. Dans ces paysages que tu as élus, et qui, pour ceci, devinrent ceux-là
même de cette part magique de mon enfance; dans ces paysages où tu laissais
s'égayer ta foi si forte, cette part si nostalgique de silence que nul, et
surtout pas tes enfants, n'osèrent jamais pourfendre; dans ces paysages que
tu ne te lassas jamais de contempler, gisait sans doute cette part secrète
que tu n'auras jamais soulevée.
Je t'ai toujours connu ainsi : silencieux, mais jamais maussade, taciturne
mais jamais morne. Tu regardais ailleurs et enfant je craignis toujours un
peu que cet ailleurs ne te happât plus que de saison. Il était trop tôt mais
combien aurais-je ainsi redouté que tu ne préfère nonobstant ces lueurs qui
t'attirait tellement ! Je crois avoir toujours su que quelque chose te
hantait, que tu ne dirais jamais; t'obsédait à en briser tes nuits. Je sais
ou devine ! Je comprends, dès que je pense à toi, ce que survivre signifie.
As-tu jamais aimé la vie? Comment parvins-tu à t'y accrocher néanmoins quand
tout t'appelait ailleurs?
A toi qui lentement t'éloigne, je le vois, je le sens, à toi qui veut
désormais cesser de te battre, te dire l'essentiel par peur de l'avoir
oublié, de ne jamais l'avoir dit par pudeur ou méprise.
Que tu fus un père exemplaire que je veux remercier. Et je devine l'effort
qui dut être le tien pour, de jour en jour, tenir à cette vie qui tint si
peu à toi !
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