Intervention de Léon Gambetta

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Intervention de Léon Gambetta à la Chambre des députés (extraits)
Chambre des députés, séance du 17 mai 1877 (Journal officiel du 18 mai 1877, page 3774)

M. Gambetta. Eh bien, messieurs, que venons-nous faire aujourd'hui à cette tribune ? Nous venons demander à la Chambre de s'élever au-dessus des premiers sentiments que font naître dans les esprits les brusques incidents de la vie politique. Ne jugeons pas ce qui s'est fait hier, ce qui figure aujourd'hui au Journal officiel, avec les premières impressions de la spontanéité. Non 1 il faut savoir aller au fond des choses. Messieurs, vous pouvez très bien, vous devez loyalement, sincèrement, en restant des serviteurs dévoués et pacifiques du pays, dire au Président de la République : On vous a conseillé une mauvaise politique, et nous, nous qui ne sollicitons en aucune manière de nous asseoir dans vos conseil s, nous venons vous conjurer de rentrer dans la vérité constitutionnelle, car, cette vérité constitutionnelle, elle est à la fois notre protection et la vôtre ! (Nouveaux et vifs applaudissements au centre et à gauche.)

Et en effet, qu'est-ce que nous venons demander ? Que la Constitution soit une réalité ; que le gouvernement du pays par le pays, ce gouvernement pour lequel la nation française combat depuis bientôt quatre-vingt dix ans, soit loyalement et réellement pratiqué. Et nous disons à M. le Président de la République : Non ! elle n'est pas vraie, elle n'est pas vraie, cette phrase que vous ont suggérée des conseillers bien connus, et dans laquelle vous prétendez que vous auriez une responsabilité en dehors de votre responsabilité légale, une responsabilité au dessus de la responsabilité du Parlement, au-dessus de la, responsabilité de vos ministres, au-dessus de la responsabilité qui vous est départie et qui est déterminée, limitée par la Constitution ! (Vive approbation à gauche.) Ce sont ces conseillers qui vous engagent, qui vous précipitent dans la voie fatale, en étendant votre responsabilité au-delà des limites protectrices que lui assigne la Constitution du 25 février 1875 ; ce sont eux qui sont vos véritables ennemis et qui vous mènent à votre perte

... Messieurs, il faut en finir avec cette situation, et il vous appartient d'y mettre un terme par une attitude à la fois virile et modérée. Demandez, la Constitution à la main, le pays derrière vous, demandez qu'on dise enfin si l'on veut gouverner avec le parti républicain dans toutes ses nuances, ou si, au contraire, en rappelant des hommes repoussés trois ou quatre fois par le suffrage populaire, on prétend imposer à ce pays une dissolution qui entraînerait une consultation nouvelle de la France ! Je vous le dis, quant à moi, mon choix est fait, et le choix de la France est fait aussi ; si, l'on se prononçait pour la dissolution, nous retournerions avec certitude et confiance devant le pays qui nous connaît, qui nous apprécie, qui sait que ce n'est pas nous qui troublons la paix au dedans, ni qui compromettons la paix au dehors. Je !e répète, le pays sait que ce n'est pas nous ; et si une dissolution intervient, une dissolution que vous aurez machinée, que vous aurez provoquée, prenez garde qu'il ne s'irrite contre eux qui le fatiguent et l'obsèdent ! Prenez garde que, derrière des calculs de dissolution, il ne cherche d'autres calculs et ne dise : La dissolution, c'est la préface de la guerre ! Criminels seraient ceux qui la poursuivent dans cet esprit !..

... Messieurs, voici l'ordre du jour qui a été délibéré par la représentation parlementaire de tous les groupes de cette Chambre qui forment la majorité républicaine

« La Chambre,

« Considérant qu'il lui importe dans la crise actuelle et pour remplir le mandat qu'elle a reçu du pays,, de rappeler que la prépondérance du pouvoir parlementaire, s’exerçant par la responsabilité ministérielle, est la première condition du gouvernement du pays par le pays, que les lois constitutionnelles ont eu pour but d'établir ;

Déclare que la confiance de la majorité ne saurait être acquise qu'à un cabinet libre de son action et résolu à gouverner suivant les principes républicains qui peuvent seuls garantir l'ordre et la prospérité au dedans et la paix en dehors,

« Et passe à l'ordre du jour. »

« Signé : Lepère, Devoucoux. »

(Le scrutin -est ouvert et les votes sont recueillis.).

M. le président. Voici le résultat du scrutin.

Nombre de votants 496

Majorité absolue 249

Pour l'adoption 347

Contre .............................. 149