De la barbarie

De la barbarie

Finalement on est toujours le barbare de quelqu'un ... de l'autre ! C'est au fond ceci aussi que signifie le barbare c'est celui qui croit en la barbarie de Levi-Strauss !

Assez drôle à ce titre que celui qui ne sut pas voir en l'africain autre chose qu'un homme premier - pour ne pas écrire primitif - soit celui-là même qui se voit objecter sa propre barbarie par un Badiou par exemple ! Même si l'honnêteté oblige à reconnaître que le terme n'est pas pris dans le même sens.

Mais au fond qu'entendre par là ?

De l'ambivalent couple nature/culture

Les deux termes sont des pièges : nature désignant à la fois ce qui est inné, l'essence et l'environnement; la culture, quant à elle désignant à la fois ce qui est construit, acquis, ainsi que l'ensemble des savoirs et savoir-faire.

Pour reprendre la formule consacrée, ce qui pose problème dans ces deux termes ce n'est finalement ni l'un ni l'autre, mais la conjonction et. Qu'il soit le propre de l'humain de n'avoir pas véritablement de nature au sens où il serait déterminé par un invariant, qu'il soit de la nature de l'homme de n'en pas avoir et d'être ainsi condamné à s'inventer ... inutile d'y revenir : ce serait refaire un cours de philo nature / culture qui n'est pas notre objet.

Remarquons seulement quelques tendances, ambivalences sinon quelques contradictions:

- s'il est difficile de démêler ce qui dans nos comportements relève du naturel, il est encore plus difficile de donner un sens à naturel qui peut prendre au moins trois significations différentes (l'immuable, l'essence, le spontané qui, lui, peut fort bien être conventionnel ) 1

- le débat n'est plus depuis longtemps entre l'inné et l'acquis ! Mais subrepticement eutre ceux qui penchent pour une part plus importante de celui-ci sur celui-là ou l'inverse ! Force est de constater que la pensée de droite en pince vraiment pour la nature ! 2

- la contradiction est pourtant patente entre ces essentialistes-ci, qui plaident pour une prégnance très forte des instincts, de l'innée et cette volonté d'ériger une société du mérite, survalorisant l'effort, le travail ...

De l'usage de la nature

Outre, on le sait, qu'elle représente l'origine, la vérité et la vie, la tentation ontologique de la remontée aux sources et celle, logique, de la remontée à la cause première, la nature représente, dans notre imaginaire culturelle une autre tentation que Marx, notamment, avait bien repérée : naturaliser un phénomène, c'est toujours le vouloir neutraliser politiquement. L'autre moyen pour le faire étant d'en faire une réalité technique !

On ne s'étonne donc pas vraiment de la tendance droitière à tout expliquer par la nature - les instincts etc - puisque c'est une autre manière de justifier l'existant, le maintien de l'existant.

C'est sans doute du côté de la polysémie de la nature - essence et réalité naturelle - et de celle de l'histoire - série des événements et culture - que l'on peut saisir ce rapport si ambigu.

 

 


1) , pascal« Les pères, , craignent que l’amour naturel des enfants pour eux ne s’efface. Quelle est donc cette nature sujette à s’effacer? Qu’est-ce que nature? Je crains que cette nature ne soit elle-même qu’une première coutume comme la coutume est une seconde nature.» Pascal Merlean-Ponty

 

Il n’est pas plus naturel ou pas moins conventionnel de crier dans la colère ou d’embrasser dans l’amour que d’appeler “table” une table. Les sentiments et les conduites passionnelles sont inventés comme les mots. Même ceux qui, comme la paternité, paraissent inscrits dans le corps humain, sont en réalité des institutions.

Il est impossible de superposer chez l’homme une première couche de comportements que l’on appellerait “naturels” et un monde culturel ou spirituel fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme, comme on voudra dire, en ce sens qu’il n’est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose à l’être simplement biologique, et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d’échappement et par un génie de l’équivoque qui pourraient servir à définir l’homme


2) voir l'entretien, paru dans la revue Philosophie, qu'il accorda à M Onfray au moment de la campagne présidentielle

On y lit notamment :

3) Sur le rapport Marx / nature : lire Lipietz

plus généralement voir textes sur ce site et pour les oeuvres de Marx & Engels

Engels, Dialectique de la nature

Sur l'idéel et le matériel de M Godelier

Serge Moscovici, Essai sur l'histoire humaine de la nature (en ligne)

Vidal Naquet sur le mode de production asiatique

Senghor, POUR UNE RELECTURE AFRICAINE DE MARX ET D’ENGELS

capital_natureLire Capital contre Nature, Actes du congrès Marx International III, section écologie Collection Actuel Marx Confrontation, PUF, 217 pages, 23 , février 2003