De la nature du pouvoir

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De la nécessaire distinction du pouvoir et de la puissance

De la puissance

Si l'on suit la perspective aristotélicienne, la puissance s'oppose à l'acte et, dans ce sens, la puissance équivaut à la vertu dont elle est synonyme. Ne dit-on pas qu'une chose est en puissance, c'est à dire qu'elle est virtuelle?

Ce qui fait qu'une chose existe, ce n'est donc point tant la matière dont elle est composée que sa forme, l'Idée qui s'y imprime qui la fait passer de puissance à acte.

Toutes les représentations essentialistes reposent bien sur cette idée, d'origine technique, artisanale, selon quoi c'est la mise en forme de la matière par la pensée qui crée l'objet. A ce titre, l'objet est en tant qu'idée, en tant que puissance avant même d'exister en acte.

La puissance s'oppose bien en cela au pouvoir qu'elle n'est pas acte mais pure idée. Elle s'exprime ainsi, via le verbe, comme un être, plus exactement comme l'Etre. En conséquence, la puissance est un universel qui ne peut se réaliser, s'incarner qu'en se dégradant en pouvoirs contingents, locaux, déterminés. A ce titre, elle est synonyme de souveraineté, et, comme elle, est nécessairement extérieure à l'histoire, antérieure à cette dernière: sa condition de possibilité assurément, mais aussi d'impossibilité si elle venait d'aventure à s'immiscer dans l'histoire.

Elle est naturellement une des figures de Dieu et elle s'exprime presque toujours, comme pour la pensée magique, par le biais de formule : il n'est effectivement pas d'autre moyen d'exprimer la puissance que de ne laisser aucun interstice entre la parole et la réalité. Que la Lumière soit, et la Lumière fut ! Ainsi la puissance est-elle aussi ce qui, par définition, ne rencontre aucun obstacle, ce qui dépasse toutes les contingences !

Du pouvoir

Le pouvoir est la suite moins logique que chronologique de la puissance: il est la puissance exercée. Et parce qu'il s'exerce, il est aussi ce qui suscite des contre-pouvoirs; ce qui du coup peut se perdre dans un rapport de forces défavorable1

Au fond, s'il fallait résumer cette différence, il faudrait sans doute écrire que le pouvoir c'est ce que l'on détient, mais que l'on peut donc perdre, et qui vous rend paradoxalement dépendant de qui ou quoi vous l'a conféré alors que la puissance représente ce que l'on pourrait être

A partir de là, une conception de l'homme

1 Tout à fait révélateur à ce point de vue que Louis XVI commence à perdre sitôt qu'il accepte de se mesurer à l'Assemblée: à partir de ce moment-là, il n'est plus au-delà, en dehors du jeu comme une puissance sacrée et consacrée, mais un pouvoir face à un autre pouvoir. Ce conflit de légitimités est nécessairement mortifère. A l'inverse, à bien lire les cahiers de doléance, préliminaires de la convocation des États Généraux, on mesure combien le Roi y était encore hors jeu, hors de l'enjeu, puisque personne ne remet alors sa place en question, et qu'il s'y agit, bien au contraire, plutôt de le mieux conseiller puisque son entourage aurait mésestimer la réalité de la misère du pays et de son peuple.

2 Abstraction parmi d'autres, le président élu devient ipso facto le président de tous les français et dépasse donc tous les clivages. Il est le représentant de la nation assemblée et non pas seulement de cette majorité qui l'a élue.