De la nécessaire distinction du pouvoir et de la puissanceDe la puissance
Ce qui fait qu'une chose existe, ce n'est donc point tant la matière dont elle est composée que sa forme, l'Idée qui s'y imprime qui la fait passer de puissance à acte. Toutes les représentations essentialistes reposent bien sur cette idée, d'origine technique, artisanale, selon quoi c'est la mise en forme de la matière par la pensée qui crée l'objet. A ce titre, l'objet est en tant qu'idée, en tant que puissance avant même d'exister en acte. La puissance s'oppose bien en cela au pouvoir qu'elle n'est pas acte mais pure idée. Elle s'exprime ainsi, via le verbe, comme un être, plus exactement comme l'Etre. En conséquence, la puissance est un universel qui ne peut se réaliser, s'incarner qu'en se dégradant en pouvoirs contingents, locaux, déterminés. A ce titre, elle est synonyme de souveraineté, et, comme elle, est nécessairement extérieure à l'histoire, antérieure à cette dernière: sa condition de possibilité assurément, mais aussi d'impossibilité si elle venait d'aventure à s'immiscer dans l'histoire. Elle est naturellement une des figures de Dieu et elle s'exprime presque toujours, comme pour la pensée magique, par le biais de formule : il n'est effectivement pas d'autre moyen d'exprimer la puissance que de ne laisser aucun interstice entre la parole et la réalité. Que la Lumière soit, et la Lumière fut ! Ainsi la puissance est-elle aussi ce qui, par définition, ne rencontre aucun obstacle, ce qui dépasse toutes les contingences !
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