De vieux récits,
qu’atteste un verset de la Genèse, prétendent que la mandragore était le
fruit de l’arbre de la connaissance auquel succomba Adam sous la pression
si féminine d’Eve. Dotée de pouvoirs infinis, la mandragore aurait
notamment la vertu de féconder la femme stérile, et de porter chance et
richesse. S’il fallait quelque courage non pour la cultiver, mais pour la
cueillir,
il n’en reste pas moins que la mandragore, pour ces racines où Dieu a mis
le signe même de l’homme et de la femme, était bien l’artifice par quoi ce
couple infernal s’allait pouvoir transcender et conjurer enfin l’étroite
adynamie où leur perverse passion les avait reclus.
L’abject rituel
allait pouvoir débuter.
La récolte de la
mandragore n’allait pas sans quelque risque. L’arracher sans précaution
rendait fou tant les hurlements de la plante écartelait l’âme. Il leur
fallut donc, préalablement, se nantir, comme la coutume le voulait, d’un
chien que l’on condamnait par avance parce qu’il mourra de ne pouvoir
supporter les hurlements d’agonie de la plante. Une corde attachée au cou
de l’animal, l’autre extrémité à la racine de la mandragore assurerait
l’arrachage sitôt le chien attiré par la nourriture qu’on lui offrait un
peu plus loin.
Ce serait un soir,
aux éclats de la lune pleine. L’officiant préparera le rituel de longues
litanies incantatoires, tout juste accompagné d’une jeune fille, figure
emblématique de la fécondité ! Il tracera à l’aide d’une lame acérée trois
cercles autour de la mandragore.
N’allons pas
chercher plus loin pourquoi, subitement, cet adulation immodérée pour la
race canine ! Ils avaient désormais avec eux, femme, chien : rien ne
s’opposait plus à l’arrachage de la racine magique qui leur conférerait
enfin cette puissance qui leur faisait tant défaut !