Métaphores

Filons...filons les métaphores

Que j’aime ces métaphores qui en disent toujours plus long sur leurs auteurs que sur le sujet abordé, toujours plus que ce que l’on voudrait ...
Deux courts textes ainsi dans ces Dialogues de Descartes qui sont en mieux, en plus docte évidemment, ce que cette gazette tente de devenir pour l’IUT.
Le premier - celui d’A Kahn - évoque le rêve, celui d’une communauté auto-gérée pour finir par un désarmant Parfois j’ai du mal à comprendre mon époque !
Le second - voir ci-contre - appelle à s’inspirer de la fonction parentale pour comprendre ce qui ici se joue en matière d’autonomie.

Du rêve

Loin du délire ou du phantasme, il est question ici simplement de projet . N’est-ce pas précisément le rôle du penseur que de définir des objectifs, des alternatives ? N’est-ce pas d’ailleurs au politique de tenter de les traduire en acte?
Si l’on devait, au reste, évaluer la portée des grands acteurs de l’histoire ne faudrait-il pas prendre ceci comme critère : la capacité qu’il aurait de sentir - plus que de comprendre - le grand vent de l’histoire, ce que Hegel nomme l’Esprit ? Et ceci un peu avant les autres ? Qu’il soit de l’ordre de la ruse que l’acteur ait l’impression de tirer sa force et ses projets de son propre fonds est avéré, il n’en reste pas moins que le grand acteur reste néanmoins toujours celui qui sait se tenir au bon moment, au bon endroit pour réaliser des objectifs qui ne sont réalisables que parce qu’ils vont dans le sens de l’histoire. Quitte à ce qu’ils réalisent autre chose que ce qu’ils imaginent. Le grand acteur, au fond, est grand dans l’histoire en ce qu’il sait se dépasser en étant dépassé !

De la famille

Jolie métaphore qui aura hanté toute la philosophie politique et à quoi Rousseau aura fait justice en son temps. Fonder les relations de pouvoir sur la famille c’est toujours se donner l’air de trouver des assises naturelles, c’est surtout fonder une bien funeste illusion puisqu’aussi bien la relation familiale est contrainte en cela au moins que l’enfant n’est pas un être libre, capable d’exercer librement sa volonté.
Il est un point exact dans le propos de F de Singly : la véritable autonomie ne se décrète pas mais se négocie. C’est bien sans doute tout le problème de ce qui se joue depuis quelques mois entre la direction de l’université et ses composantes, entre le gouvernement et les universités !
la négociation n’est pas un dialogue mais un jeu à somme non nulle où l’on finit toujours par y perdre même dans ce cadre étroit, négociation suppose que l’on reconnaisse l’autre, sa parole.
Ce qui  implique parité et un minimum d’honnêteté.
Or c’est bien ici que le bât blesse !

De la méprise au mépris !

Méprise il y a, volontaire ou non, quand on laisse accroire que les universitaires refusent l’autonomie quand en réalité ils refusent celle-ci qui leur fut octroyée et les modalités qui la définissent
Mépris il y a quand on laisse entendre que les universitaires se calfeutreraient dans une sujétion finalement bien confortable et infantilisante qui serait juste la caution d’un conservatisme échevelé !
Que le gouvernement tout empêtré dans ses réformes qu’il ne veut pas abandonner, joue le pourrissement du mouvement et de tous les faux fuyants qu’un peu de stratégie politique et de langue de bois permettent d’assurer est logique à défaut d’être acceptable. Chacun son rôle !
En revanche que la même mauvaise foi sourde de nos rangs mêmes, de ceux qui sont supposés nous défendre... alors oui on peut en être agacé; au moins déçu !
En colère oui, sans doute !

Refilons nous les métaphores

Le rêve d’une démocratie :  oh oui! Chiche !
C’est bien ceci que nous attendions, Président ! Pour que la notion de maison commune ait un sens ! Et que la présidence ait cette portée que nous espérions.
Je comprends bien ce rêve

de ces femmes et de ces hommes aux métiers divers, des juristes et des médecins, des psychologues et des sociologues, des philosophes et des économistes, des sportifs et des mathématiciens, etc., qui, ensemble, tracent leurs chemins vers les objectifs qu’ils se sont fixés, passionnés tous par la différence de l’autre, ardents à s’enrichir à son contact.


mais où lisez-vous que nous n’ayons pas le même? Je comprends bien que cette autonomie il faille l’inventer et, sans doute, se battre pour l’instaurer et la faire vivre


Emprunter une telle voie requiert d’en avoir la liberté et les moyens. Les obtenir et les élargir, justifie de se battre.

.Mais cette lutte c’est celle que nous menons ! Et nous aimerions tellement la mener avec vous !

Alors oui! nous avons un rêve !

Absurde? Utopique? Qu’on nous entende ! pardon! qu’on nous écoute !
Est-ce si dur que cela?
Que l’on cesse de nous prendre pour des enfants ou de vils conservateurs ! Quand ce n’est pas de fainéants rétifs à l’évaluation par peur qu’on ne décèle leur insondable inertie !
Que l’on cesse de prendre les mots pour la chose ! Qu’il ne suffit décidément pas de proclamer l’autonomie pour qu’elle soit réelle ! Et que la liberté sans les moyens de l’exercer fait partie de ces duperies auxquelles l’histoire nous a habitués mais qui ne sont pas acceptables pour autant !
Que l’on regarde les moyens mis en œuvre, et leur répartition - le si cyniquement nommé SYMPA - pour comprendre que l’on est délibérément passé d’une allocation des moyens à la simple distribution d’une enveloppe dont tout laisse à penser qu’elle n’ira pas s’augmentant !
Que l’on admette enfin combien cette autonomie vise plus ou moins ouvertement à déplacer sur l’université des ,contraintes que l’État impécunieux ne désire plus assumer ! Que cette autonomie rime sordidement avec la gestion de la pénurie qui aboutira, quoiqu’on fasse et veuille, à ce que les moyens décidés pour les uns manqueront inéluctablement aux autres.
Que l’on reconnaisse enfin que sous les auspices apparemment légitimes de l’évaluation nécessaire se cache en réalité une logique perverse qui manquera ce qu’elle cherche en échouant à repérer des critères valides, en contraignant surtout les uns et les autres à justifier en permanence leur activité plutôt que de la mener.
Que l’on reconnaisse enfin que cette réforme a été bâclée dans la mégalomanie estivale d’un pouvoir triomphant, dans la précipitation encore qui permît de ne pas entendre - encore moins d’écouter - les critiques, les réserves et les objections. Que cette réforme n’a rien anticipé, pas même les dégâts collatéraux qu’elle eût pu éviter avec un peu de prudence. Que cette réforme s’est faite sans la communauté universitaire ! Pour ne pas dire contre !

Le rêve que l’on se mette enfin à dialoguer

Mais ceci suppose la reconnaissance de l’autre !
Mais ceci suppose que l’on cesse de se protéger derrière les grands principes et de mettre enfin les mains dans le cambouis i.e. dans les réalités pas toujours très avouables de cette réforme .
Mais ceci suppose qu’on ne puisse se contenter de ressortir les vieilles lunes de la gauche - l’autogestion- sans y mettre du contenu ni revoir l’esprit du pouvoir et de son exercice.
Or, comment ne pas voir que cette réforme s’inspire de ceci seul que notre pouvoir sait entendre : le présidentialisme. Pour ne pas dire l’hyper-présidence. La Ve l’a démontré à satiété depuis 58 : si l’exécutif fort se prête assez bien à l’efficacité, il se résout assez mal au dialogue, à l’échange. La modernité politique a égaré depuis longtemps les délices parlementaires. Pourtant, c’est bien de cela dont nous avons besoin dans le monde universitaire. De dialogue; de concertation; de la capacité à amender. Si évidente pourtant ! Si lointaine, malheureusement!
Et je vois mal, pour ce qui me concerne, comment l’on peut, sans tordre le cou au concept, vouloir conjuguer autogestion avec cette hyperbole présidentielle. Sans doute ai-je mal compris ! sans doute mes rêves d’antan m’auront-ils trompé ... Pourtant, je crois bien me souvenir que cette autogestion dont on nous parle aujourd’hui renvoyait à une parole libre qui montait et non à cette parole qui descend vers nous avec cet insupportable mélange de tendresse et de commisération.
Sans doute me trompé-je !

Comprendre notre époque

Je crois bien que c’est là aveu bien inquiétant.
Il faut voir ce que ce mouvement universitaire révèle et qui est radicalement nouveau; Il faut voir ce que ce mouvement est en train d’inventer. Mais admettre au moins que ces universitaires qui ne sont pas particulièrement réputés pour être des grévistes invétérés se sont pour la première fois depuis bien longtemps réunis dans un grand mouvement de protestation mais aussi de réflexion qui englobe tous les personnels (des chercheurs aux enseignants en passant par les BIATOS qui tous se sentent concernés par l’avenir de l’université.
Comprendre notre époque? mais ce n’est finalement pas si difficile que cela à partir du moment où l’on cesse
Cette époque se cherche mais sent qu’elle devra trouver vite des réponses parce que les boîtes à outils et à penser conventionnelles ont cessé de pouvoir apporter réponse ou solutions.
Cette époque a peur qui sent l’imminence parce qu’elle voit les désastres financiers et écologiques mais incline en même temps toujours vers ce que la démocratie peut comporter d’humanisme.
Cette époque invente de manière incroyablement imaginative des réponses et des stratégies locales et peste assurément de ne pas voir le politique pouvoir (vouloir ) le relayer.
Je ne vois simplement pas comment l’on peut vouloir encore jouer un rôle dans une époque que l’on ne comprend plus. Claude Levi-Strauss à qui S Pène faisait allusion a le mérite de sa sincérité : celle d’un homme désormais pathétiquement intempestif qui s’éloigne autant du monde que le monde s’éloigne de lui.
Mais ici ?
Revenir simplement à Hegel et filer la métaphore du grand acteur de l’histoire ! Rien de grand, c’est vrai, ne s’est jamais fait sans passion .
Encore faut-il que puisse jouer la ruse de l’histoire.
Et se tourner où souffle l’esprit!

Qui, décidément, ne souffle jamais d’en haut !