Scission ou Forfanterie ?

Les présidents d'IUT menacent de quitter le giron universitaire

Les I.U.T. : s'affranchir de la tutelle universitaire ?  

Un débat triplement révélateur

D’une loi hâtivement bouclée dont les effets collatéraux n’ont pas été mesurés, notamment sur les relations  I.U.T. /universités de rattachement

D’une hyper présidentialisation (tellement dans l’air du temps) de la gouvernance des universités qui peut créer ça et là de réelles situation de conflits que les Contrats d’objectifs et de Moyens ne suffisent pas à régler – contrairement à ce que prétend le ministère

Du lien solide que le réseau I.U.T. a su nouer depuis 40 ans avec le tissu social et économique

Un débat tronqué et fallacieux

Fallacieux parce qu’il ne faut pas confondre présidents et directeurs d’I.U.T. Les premiers sont des personnalités extérieures des conseils d’I.U.T. (représentants des collectivités, syndicats ouvriers et patronaux etc. ...) ; les seconds,  des universitaires. Ils n’ont pas tout à fait la même position.

Tronqué parce qu’il ne dit que la petite moitié du jeu qui est en train de se mener ici.

D’un côté, des universitaires tel F Vatin qui se plaignent que les I.U.T. ne fassent que formellement partie des universités et de l’inégale concurrence que ces derniers font à l’université avec les grandes écoles, les classes préparatoires… De l’autre, des apprentis sorciers las de devoir négocier sans cesse les conditions de leur survie, sur-jouent le complexe du persécuté et la stratégie du village assiégé.

D’un côté le reproche fait aux I.U.T. de ne plus répondre à leur vocation (Bac +2) tout en continuant de bénéficier de moyens supérieurs et de l’avantage de la sélection à l’entrée. De l’autre une filière jalouse à juste titre de sa réussite mais qui a tendance à vivre sur son succès comme Harpagon sur sa cassette sans mesurer combien la donne a changé.

Qui se joue sur fond d’un grand meccano institutionnel

Comme souvent nos réformes bousculent le paysage mais laissent des tranchées ouvertes qui expliquent le malaise présent:

Le LMD fixant le premier niveau de sortie à Bac +3 ne concerne pas les classes prépas, les grandes écoles, et laissent classes de BTS (dans le secondaire) et DUT (dans le supérieur) à la marge de cette réforme. Il aura légitimé la poursuite d’études des titulaires de DUT – le reproche est caduc désormais – mais pas pour autant résolu la cohérence de la filière.

La LRU quant à elle aura inévitablement rogné l’autonomie des I.U.T. pour élargir celle de leur université de rattachement. Mais surtout, préside à un jeu de recomposition et d’alliance dont les PRES ne sont qu’un exemple, la fusion d’universités (Strasbourg), un autre, qui oblige chacun à se repositionner pour atteindre la taille critique. Du coup les I.U.T. se trouvent parfois noyés dans des masses imposantes où ils doivent compter à la fois avec la présence d’autres I.U.T., et avec la logique de performance et d’excellence en recherche qui ne les concerne pas directement, n’étant que des unités de formation et pas de recherche.

Oui, c’est vrai les I.U.T. se cherchent : depuis dix ans ils ont su prendre le virage des licences professionnelles et donc créer progressivement des passerelles cohérentes de poursuites d’études. Ils continuent à le faire sans que ceci se voie toujours, en innovant pédagogiquement, suscitant la création de nouveaux diplômes en partenariat avec d’autres composantes. Sans doute les I.U.T. tels que nous les avons connus n’existeront plus d’ici dix ans tant ils auront changé ! Sans doute, d’ailleurs, est-il faux de parler des I.U.T. tant leurs problèmes, leur avenir, leurs moyens peuvent différer selon qu’il s’agisse d’un institut délocalisé d’une moyenne ville de province, ou d’une grande métropole ; qu’ils soient rattachés à une grande université ou une plus modeste ; selon leurs spécialités aussi ! Sans doute enfin les stratégies différeront à l’intérieur même d’un I.U.T. tant les perspectives d’alliance, de création de filières diffèreront nécessairement selon qu’il s’agisse de Génie Mécanique, de Statistique décisionnelle ou de Gestion …

Deux certitudes néanmoins

Les I.U.T. ont une réelle capacité d’innovation, d’imagination, d’adaptation : ils l’ont toujours eue (formation continue, apprentissage, par exemple) ; ils trouveront sans aucun doute à se replacer dans la grande maison universitaire.

Il n’y a pas d’avenir possible hors de l’université : cette dernière doit sa force, sa marque à la synergie entre recherche et enseignement. Séparer les deux, c’est courir au désastre. Est dangereuse la perspective de créer des universités de proximité, réduite au bac + 3, qui inévitablement perdront le lien avec la recherche et s’achèveront en super lycées. Pour la même raison, serait désastreuse une scission des I.U.T. d’avec l’université.

Les présidents d’I.U.T. croient avoir trouvé une parade lobbyiste efficace ; ils ne font que reproduire une tactique versaillaise à la Thiers : faisons semblant de sortir aujourd’hui pour rentrer demain. La démarche est dangereuse, vaine surtout !

Elle a seulement le mérite de montrer que la LRU n’a pas achevé la réforme de l’université mais seulement obligé à un vaste travail de recomposition de l’enseignement supérieur qui ne fait que commencer.

D’où le malaise ! Qui durera un bon moment encore !