Apocalypse

Temps de vérité ?

L’éthique c’est résister à la cruauté du monde

A entendre les uns et les autres, Girard sans doute dont c'est un peu la marque de fabrique, mais Morin aussi dans ses dernières productions, je ne puis que penser au terme apocalypse, grevé de toute son histoire, allégé de toute son ambivalence.

Nous nous sentons tous à la croisée, avec le sentiment pour les uns, la certitude pour les autres, que ce qui est en train de se jouer est une véritable révolution dont nous percevons d'autant plus mal les contours que nous y sommes trop immergés pour ne pas être, peu ou prou, aveuglés.

En même temps quelque chose en nous renâcle à succomber aux sirènes de ces Cassandre promptes à nous annoncer je ne sais quel millénarisme accommodé aux canons du XXIe siècle.

Comment savoir si nous ne sommes pas les dupes de peurs archaïques d'autant plus légitimes, certes, qu'elles semblent étayées par les mesures scientifiques et les augures économistes, d'autant plus douteuses, nonobstant, qu'elles caressent trop manifestement dans le sens du poil le vieillissement trop manifeste des poulations de nos sociétés occidentales.

Je ne puis pas ne pas me rappeler combien la frileuse lâcheté de 40 qui nous fit nous vautrer dans la collaboration, certes, mais aussi dans la dévotion à l'égard d'un vieillard podagre et consubstantiellement réactionnaire, est à mettre en corrélation avec la démographie atone de cette France de l'entre deux guerres.

Or, nous en sommes au même point, même si peut paraître rassurant que la natalité française présente encore quelques signes de vigueur. Un peuple de vieux anticipe malaisément l'avenir, et tend, très spontanément, à privilégier plutôt l'ordre, la peur et le repli plutôt que l'espérance, l'invention et la volonté.

Remarquable dans les propos de Morin, cette conjuguaison d'une grande lucidité qui lui fait pointer les menaces, et l'analyse fine qui lui évite le simplisme binaire en offrant, même improbabe, la possibilité même d'un avenir.

Où, derechef, à l'instar de Girard et de Heidegger, cette référence à Hölderlin, avec qui il faudra bien un jour se colleter, à ce vers maintes fois cité :

mais là où il y a danger,là aussi croît aussi ce qui sauve.

C'est cette même ambivalence que l'on retrouve dans apocalypse où l'usage veut lire catastrophe, où l'étymologie énonce plutôt dévoilement et donc vérité !

Effectivement l'impression que quelque chose des bas fonds serait en train d'émerger : un surgissement, non d'en haut comme on eût pu l'espérer, qui annonçât une bonne nouvelle, mais d'en bas, vraiment, qui révélât moins notre face cachée ou notre véritable nature, que ce quelque chose que nous aurions caché depuis l'origine, escamoté depuis longtemps, refoulé en réalité, et qui nous reviendrait comme gifle à la figure.

Effectivement, la certitude de l'hyperbole ! de l'exagération, du forfait ! Toute honte bue, limite franchie ou gommée: le forfait. Mais en même temps, la certitude de l'impuissance, celle qui naît chaque fois que nos efforts semblent non pas tant voués à l'échec, au moins produiraient-ils encore quelque effet fût-il négatif, qu'impropre à entraîner quelque conséquence que ce soit.

D'où chose extraordinaire rien ne s'en suit ! L'homme sans qualité !