Messieurs,
je cherche vainement ce qu’en une pareille heure, après cette lecture
devant la Chambre des représentants français, je pourrais ajouter. Je
vous dirai seulement que, dans un document allemand et dont, par
conséquent, je n’ai pas à donner lecture à cette tribune en ce moment,
document qui contient une protestation contre les rigueurs de
l’armistice, les signataires dont je viens de vous donner les noms
reconnaissent que la discussion a été conduite dans un grand esprit de
conciliation.
Pour moi, la convention d’armistice lue, il me semble qu’à cette
heure, en cette heure terrible, grande et magnifique, mon devoir est
accompli.
Un mot seulement. Au nom du peuple français, au nom du Gouvernement de
la République française, j’envoie le salut de la France une et
indivisible à l’Alsace et la Lorraine retrouvées. (Vives et
unanimes acclamations. –Tous les députés se lèvent et applaudissent
longuement.)
M. Petitjean. Vive l’Alsace-Lorraine française !
M. Lazare Weiller. Au nom des deux seuls Alsaciens et de nos
chers collègues lorrains de cette Chambre, ma poitrine gonflée de joie
a besoin de crier "" Vive Clemenceau . "
M. le président du conseil. Et puis, honneur à nos grands
morts, qui nous ont fait cette victoire. (Nouvelles acclamations
unanimes. –Tous les députés se lèvent.) Par eux, nous pouvons dire
qu’avant tout armistice, la France a été libérée par la puissance des
armes. (Applaudissements unanimes et répétés.)
M. Petitjean. Vive la victoire !
M. le président du conseil. Quant aux vivants, vers qui, dès ce
jour, nous tendons la main et que nous accueillerons, quand ils
passeront sur nos boulevards, en route vers l’Arc de Triomphe, qu’ils
soient salués d’avance ! Nous les attendons pour la grande œuvre de
reconstruction sociale. (Vifs applaudissements.) Grâce à eux, la
France, hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, sera
toujours le soldat de l’idéal ! (Applaudissements enthousiastes.
–MM. Les députés se lèvent et acclament longuement M. le président du
conseil.)
M. le président. La voilà donc enfin, l’heure bénie pour
laquelle nous vivions depuis quarante-sept ans ! –quarante-sept ans
pendant lesquels n’a cessé de retentir en nos âmes le cri de douleur
et de révolte de Gambetta, de Jules Grosjean, de Keller et des députés
d’Alsace-Lorraine, celui de Victor Hugo, d’Edgar Quinet et de Georges
Clemenceau (vifs applaudissements) quarante-sept ans, pendant
lesquels l’Alsace-Lorraine bâillonnée n’a cessé de crier vers la
France ! Un demi-siècle ! et demain, nous serons à Strasbourg et à
Metz ! Nulle parole humaine ne peut égaler ce bonheur !
(Applaudissements unanimes et prolongés.)
Provinces encore plus tendrement aimées parce que vous fûtes plus
misérables, chair de notre chair, grâce, force et honneur de notre
Patrie, un barbare ennemi voulait faire de vous le signe de sa
conquête, non vous êtes le gage sacré de notre unité nationale et de
notre unité morale, car toute notre histoire resplendit en vous ! (Très
bien ! très bien !) Oui, c’est toute la France, la France de tous
les temps, notre ancienne France comme celle de la Révolution et de la
République triomphante, qui, respectueuse de vos traditions, de vos
coutumes, de vos libertés, de vos croyances, vous rapporte toute sa
gloire ! (Acclamations unanimes. –MM. Les députés se lèvent.)
Et maintenant, Français, inclinons-nous pieusement devant les
artisans magnifiques du grand œuvre de justice, ceux de 1870 et ceux
de 1914. Ceux de 1870 sauvèrent –non l’honneur, certes : l’honneur
était sauf, j’en atteste les mânes des héros de Reichshoffen, de
Gravelotte, de Sain-Privat, de Beaumont, Beaumont où les fils de
compagnons de La Fayette viennent de venger Sedan (Vifs
applaudissements répétés.)–mais ils sauvèrent l’avenir. Leur
résistance a préparé nos victoires.
Et vous, combattants sublimes de la grande guerre, Français et alliés,
votre courage surhumain a fait de l’Alsace-Lorraine, aux yeux de
l’univers, la personnification même du droit (Applaudissements
prolongés –MM. Les députés se lèvent) ; le retour de nos frères
exilés n’est pas seulement la revanche nationale, c’est l’apaisement
de la conscience humaine (Vives acclamations) et le présage
d’un ordre plus haut. (Acclamations unanimes. –Tous les députés se
lèvent et applaudissement longuement.)
M. Albert Thomas. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Albert Thomas.
M. Albert Thomas. Nous demandons que les députés
d’Alsace-Lorraine qui sont présents dans cette salle aient les
honneurs de la séance. (vifs applaudissements. –MM. Les députés se
lèvent et acclament MM. l’abbé
Wetterlé
et Weil, députés
d’Alsace-Lorraine, qui se trouvent dans une tribune.) |
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