Mon école

L'école de mon enfance

Nous y arrivâmes en 1958 quand mon père y fut nommé pour son premier poste d'instituteur. Ce fut un havre, où nous étions seuls ou presque. Quitter Strasbourg, c'était rompre avec le lien familial, mais sans doute mes parents le voulurent-ils, qui tentèrent d'échapper au passé, sans doute aussi aux obligations dominicales.

gQuelques rares photos où l'on voit l'école et l'immeuble que nous habitions - logement de fonction oblige.

J'ai surtout une vidéo prise en 2004, lors d'un petit pèlerinage qui m'aura ému plus que je pus l'augurer.

C'était encore une rupture; qui ressemblait à une fuite. Le bassin minier n'avait rien qui pût le disputer aux délices alsaciennes; pourtant le souvenir ému d'une période sereine où tout sembla sinon possible en tout cas à la dimension de ma petite taille.

gC'était le temps où les instituteurs étaient logés; nous le fûmes! et de la maison à l'école il n'était qu'une petite place à traverser, une petite pente à dévaler. La rupture se muait en fusion: l'espace si court entre l'école et notre chambre, l'omniprésence de notre père, si discret par ailleurs, auront contribué à la sérénité de cette bulle qui n'éclata jamais.

Les peuples heureux n'ont pas d'histoire, affirmait Hegel: il en va de même pour l'enfance! Cette période fut pour moi, toute ronde et simple et je n'en retiens nulle aspérité, sinon cet apaisant sentiment de quiétude. Une période ponctuée par les vacances à Strasbourg où nous séjournions à la Krutenau, ou celles d'été en Autriche .

Il me faut toute la douleur de la nostalgie pour laisser remonter ce reflux si sourd d'enfance comme si je m'en étais départi. Ce n'est pourtant pas le cas. Je dois à mes parents, et ma reconnaissance en est absolue, le charme d'une enfance quiète, heureuse; simplement. Tellement que j'ai peine à en retirer souvenir qui vaille. Bien sûr des jeux, avec mon frère - c'était l'époque des westerns au cinéma, puisque nous n'avions pas encore la télé, et, en dépit que mes parents en eurent, nous possédions pistolets et arc pour en contrefaire la bravoure. Je ne sais pourquoi, mais j'étais souvent les indiens : mon frère n'aimait pas être dans le camp des perdants! Des parties de luge dans cette petite descente qui menait vers l'école. Et puis de la fenêtre de la cuisine, aller regarder s'il y avait encore de la lumière dans la classe de mon père: si oui il fallait attendre; sinon, il n'allait pas tarder à rentrer ; il fallait donc dresser la table .