Obstacle

 

BachelardQuand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c’est en terme d’obstacles qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique.  Et il ne s’agit pas de considérer des obstacles externes, comme la complexité ou la fugacité des phénomènes, ni d’incriminer la faiblesse des sens et de l’esprit humain: c’est dans l’acte même de connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, c’est là que nous décèlerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. elle n’est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes. Le réel n’est jamais “ce qu’on pourrait croire” mais il est toujours ce qu’on aurait dû penser. La pensée empirique est claire, après coup, quand l’appareil des raisons a été mis au point. En revenant sur une passe d’erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, n détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit même, fait obstacle à la spiritualisation. (…)

Face au réel, ce qu’on croit savoir clairement offusque ce qu’on devrait savoir. Quand il se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune, il est même très vieux, car il a l’âge de ses préjugés. Accéder à la science, c’est, spirituellement, rajeunir, c’est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé


Bachelard Formation de l'esprit scientifique, p 13/14