A propos du chat de François Vatin, co-auteur de "Refonder l'université" (http://abonnes.lemonde.fr/societe/chat/2010/10/08/pourquoi-et-comment-refonder-l-universite_1422736_3224.html#ens_id=1403480)
Quelques rappels justes dans ce dialogue :
Dans les éléments de la crise de l’université, F Vatin, fort logiquement, soulève, aux deux bouts de la chaine, le système de sélection à l’entrée et la concurrence qualifiée de déloyale des grandes écoles, et, à la sortie, le sort misérable réservé aux doctorants et post-docs ainsi que le si faible recrutement d’enseignants-chercheurs à quoi l’on peut aisément rajouter les conditions de travail et les salaires à l’évidence médiocres de ces derniers.
La LRU n’a en rien changé la donne
On peut même avancer qu’en accordant la gestion supposée autonome de ses ressources, elle s’est contentée de refiler le mistigris en se réservant le pouvoir , demain, de se défausser de toute responsabilité en pointant du doigt ces universitaires décidément incapables d’entrer dans une logique moderne de gouvernance efficace et de management de a compétence. Elle l’a même aggravée. Nul doute qu’il se passera avec l’université ce qui s’était passé avec les régions : le transfert de compétences s’accompagne au début d’un transfert correct des financements ; mais ces derniers gelés, se réduiront comme peau de chagrin à mesure que les charges augmentant, de nouvelles apparaissant. Le management par projets, les nouvelles structures intermédiaires, les procédures d’évaluation produiront inéluctablement une superbe machine à perdre, celle de chercheurs condamnés à produire rapports d’objectifs, d’état intermédiaire et de réalisation qui grèveront d’autant leur capacité de recherche.
De bien belles opportunités pourtant
La mission de l’université reste son bien le plus précieux : transmettre les connaissance et évaluer les compétences en adossant ainsi l’enseignement sur la recherche. Le rêve d’en finir avec la concurrence grandes écoles classes préparatoires reste pourtant une vieille antienne aussi vaine que mal sonnante pour ce qu’elle suggère de phantasme monopolistique désormais inaudible pour les oreilles libérales désormais dominantes à tous les niveaux.
Alors pourquoi frapper contre son propre camp !
Mais il faut préciser que cette concurrence n'est plus aujourd'hui le seul fait des classes préparatoires et des "grandes écoles". Il faut compter aussi, dès la sortie du baccalauréat, les IUT (qui ne font que formellement partie de l'université), les STS (les sections de techniciens supérieurs, qui relèvent du secondaire, comme les classes préparatoires), et les nombreuses formations privées.
La moue subtilement dubitative, l’allusion suavement méprisante à l’endroit des I.U.T. n’est pas nouvelle : elle est on ne peut plus malvenue désormais.
Vous vous trompez trois fois M Vatin
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Certes, les I.U.T. ne sont pas des unités de recherche mais seulement de formation ! Pour autant comment oublier qu’ils accueillent pour une grande part des enseignants chercheurs qui, pour mener leur recherche dans des laboratoires extérieurs n’en nourrissent pas moins leurs enseignements de celle-ci, accomplissant ainsi la vocation même de l’université.
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Certes, les I.U.T. organisent des filières sélectives, mais ramené au taux de réussite et de poursuite d’études le coût de l’étudiant en I.U.T. est largement inférieur à celui des classes préparatoires, pour ne pas parler des grandes écoles !
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Certes les I.U.T. ont vocation à proposer des formations professionnalisantes courtes mais cela fait depuis dix ans déjà qu’ils ont porté, souvent sans d’autres moyens que leurs ressources propres, les licences professionnelles, mis en place les passerelles de poursuite d’études universitaires, su nouer et entretenir un réseau stable et fécond avec l’environnement économique.
Non, Monsieur Vatin, les I.U.T. ne constituent pas une concurrence déloyale. Bien au contraire. Plutôt que de les considérer comme de sournois chevaux de Troie, il serait peut-être opportun de les envisager comme un des modèles possibles de l’université de demain :
Pour trois raisons au moins :
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Vous qui sollicitez la création d’année zéro permettant aux jeunes bacheliers de mieux se préparer aux études universitaires, comment pouvez-vous ne pas voir que les I.U.T., depuis longtemps, auront permis, de fait, à plusieurs générations de poursuivre des études nonobstant leur niveau initial. A côté de la dimension professionnalisante, les I.U.T. restent des laboratoires où se pratiquent celles de ces innovations pédagogiques et méthodologiques qui auront permis à beaucoup (via la formation continue pour adultes ; l’apprentissage par exemple) d’acquérir à la fois savoirs et compétences professionnelles et de se mettre à niveau de poursuite d’études universitaires.
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Les I.U.T. auront statutairement expérimenté l’autonomie au sein de leurs universités de rattachement. Certes, avec la LRU, elle y auront perdu au profit de ces dernières ; certes les relations avec elles ne se sont pas encore stabilisées avec la nouvelle donne, néanmoins cette expérience quarantenaire montre qu’avec dialogue, coopération, l’autonomie non seulement n’empêche pas mais au contraire favorise le montage de nouveaux projets, l’innovation, la création de passerelles entre les différentes entités de l »université. Préférons assurément la fierté d’un Axel Kahn de voir un I.U.T. œuvrer au sein de son université (Paris Descartes) que cette moue boudant le caractère universitaire des I.U.T. ! Il y a quelque chose à tirer de l’exemple des I.U.T. ! Vraiment !
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Vous qui portez haut l’oriflamme universitaire, reconnaissez que l’obligation faite aux I.U.T. de la tripartition de leurs équipe pédagogiques (enseignants chercheurs, enseignants secondaires, intervenants professionnels) n’est sans doute pas pour rien dans leur réussite par la nécessité constamment instillée de réinventer le lien entre recherche et formation.
A l’heure où certains fomentent le divorce entre formation et recherche, en imaginant d’un côté des mastodontes de recherche à taille suffisamment critique pour peser dans les classements (PRES, Laboratoires d’excellence etc) , et de l’autre des universités régionales cantonnées à l’enseignement au niveau licence, sans être toujours conscients de la faillite de l’université que ceci implique ; à l’heure où certains directeurs d’I.U.T. imaginent sottement le repositionnement des I.U.T. hors du champ universitaire sans même comprendre que ce serait les facteurs de leur réussite qu’ils saperaient ainsi, cessons tirer contre notre propre camp. Les I.U.T. sans université seraient paraplégiques. Les universités exclusivement orientées vers l’excellence et la recherche ne manqueraient pas d’être vite hémiplégiques.
LMD ! Faut-il être si savant pour se souvenir qu’il n’y aura jamais de M ou de D sans L ? Mais que ce premier étage a impérativement besoin des deux autres pour se nourrir, évoluer et réussir ?
Vraiment M Vatin : si vous voulez refonder l’université il faudra vous rappeler qu’elle a beaucoup à apprendre et comprendre des I.U.T. ! parce que ces derniers savent tout ce qu’ils doivent à l’université au moins autant qu’à leur spécificité.
Cessons de jouer contre notre propre camp. C’est ensemble que nous pouvons inventer l’i université de demain. Certainement pas les uns contre les autres.