Hyménoptère et Mandragore
Elle n’avait assurément pas l’air de ce qu’elle était ; figure altière et féminité triomphante, mais était pourtant ce qu’insensiblement elle énonçait. Non qu’elle fût comédienne ; seulement de cette race, volontiers charmeuse, qui rode envoûtant sa proie de quelque minauderie sagace tout en assénant la sage parole de qui a de l’expérience.
Assez
grande pour
une femme de sa génération, elle promenait son regard complaisant sur le
monde comme pour mieux souligner qu’elle en mimerait la soumission. Le
cheveu rare et négligent en dépit des soins qu’elle y mettait, le visage
faussement rond trahissant imperceptiblement
quelque angulosité d’esprit, sa paralysie à souffrir un chemin qui ne la
rejoignît point, le sourire à peine esquissé où la commissure des lèvres
suggérait plus que n’avouait, une générosité qu’elle ourdissait comme
autant de rets ; une réelle impuissance à rire comme si les lèvres se
figeaient pour mieux refouler toute fraîcheur d’âme, ou qu’elles fussent
rétives à ne pas contrefaire le sous-entendu menaçant. Oui, son sourire
faisait peur tant il annonçait l’imprévisible, tant l’aménité feinte
suggérait l'intrusion probable ! Les yeux, surtout, ronds mais étonnamment
engoncés dans leur robuste orbite, ces yeux qui ne vous regardaient jamais
ou seulement de manière obvie, ces yeux qui démentaient le sourire,
démontaient la bienveillance, traçaient insensiblement les prolégomènes de
la traque future. Cette femme avait d’Artémis le charme farouche des
origines, la propension sauvage aux battues sanguinaires qu’une pureté
feinte rendait presque aimable, mystérieuse assurément.