Silence

Du silence

On le dit d'or; on le dit souvent propice à la médidation et promesse de sagesse. Mais en même temps, si destructeur, notamment des relations humaines. Qu'entre deux le silence vienne à peser... et s'effondre le couple.

J'aime ces paradoxes et cherche toujours un peu le point où de vertu le silence se fait obstacle. Il en va bien un peu comme de cette sotte formule Ah si jeunesse savait... si vieillesse pouvait où l'on devrait bien pouvoir dénicher le lieu ou l'instant où se croisent la ligne descendante de la puissance et celle ascendante de la sagesse ! Trouver le lieu où le silence s'inverse !

Si je ne suis pas véritablement convaincu que le contraire de la puissance soit la sagesse même s'il est exact que la première éloigne furieusement de la seconde parce que sans doute la sagesse est le rêve poursuivi de ce point où science et pouvoir se pourraient conjuguer sans se détruire, en revanche je crains bien que le contraire du silence soit bien la parole que l'on entend de manière si vaste qu'elle en donne le vertige dont la communication n'est que la forme extrême - et, peut-être - perverse.

Me hante cette expression si souvent entendue ces derniers temps à propos de notre président : ce n'est qu'un coup de comm ! comme si la communication était tout autre que la parole ; qu'elle en fût l'antithèse voire son négatif ! Me hante ce moment où l'habileté à s'exprimer, où la communication moderne ne fait finalement que poursuivre les habiletés de la rhétorique antique, au lieu de favoriser la transmission du message, subitement la bloque et se retourne contre son auteur ! J'en comprends le mécanisme ; je saisis moins pourquoi subitement ce revirement !

Je comprends mieux pourquoi la parole désigne aussi l'engagement que l'on prend; celle qui se suffit à elle-même sans qu'il soit besoin de rien ajouter. Cette parole est d'authenticité, de sincérité, de vérité par opposition aux artifices du mensonge. Sans doute n'est-ce qu'un paradigme imaginaire des sociétés traditionnelles mais je ne déteste pas cette posture où l'on s'offense d'avoir à contresigner un engagement comme si la parole ne suffisait pas et qu'il fallût que l'écrit la redoublât.

C'est le sens après tout du :

dit oui ou non . Tout ce qui est rajouté vient du Démon . (Matthieu 5, 37)

Certes les paroles s'envolent quand les écrits restent mais ce qui se joue ici c'est la suspicion de la parole.

Est-il un système politique qui puisse résister à la suspicion du mensonge - ou, simplement, de l'habileté ? est-il un système social, une seule relation humaine, d'ailleurs, qui puisse y résister ?

J'ame à me souvenir que les deux sources de notre culture (grecque et chrétienne) débutent toutes les deux par un refus, par un rejet de l'artifice et du mensonge : les sophistes d'un côté; les pharisiens de l'autre. Que leur reproche-t-on, presque identiquement ? de se servir de la parole plutôt que de la servir, de ne pas croire en ce qu'ils disent mais de ce contenter, avec habileté, de produire un discours tout fait, pour n'importe quel destinaitaire; d'être finalement démagogue !

La grande aporie du siècle est ici sans doute : parler devient impossible; se taire tellement dangereux !

Alors quoi ?

suite


1)la question de la confiance rapidement évoquée en décembre dernier