Sottise

A propos de la politique contre les roms ....

Comment d'abord ne pas songer à ce si beau texte de Memmi voyant dans la peur de la différence une des sources du racisme ?

Car ce régime, de manière constante et avouée, cynique et déterminée, aura joué sur toutes les cordes possibles de la peur en déclarant à tout vat la guerre à l'insécurité, au terrorisme, désormais aux gens du voyage.

 

Du nomadisme et de la liberté

La nature diversifie à l'infini les substances nutritives : de là cette prodigieuse variété dans la manière d'être des hommes et des animaux, qui tous ne maintiennent leur existence qu'au moyen des aliments. Or, la seule différence de nourriture modifie leur vie et leurs caractères. Les animaux se réunissent en société, ou vivent errants et seuls suivant leur genre de nourriture : les uns sont carnivores, les autres frugivores ou herbivores, et d'autres omnivores. Tous ont reçu de la nature un instinct analogue au genre de leurs aliments et à la facilité de les trouver; mais ils n'ont pas tous les mêmes goûts. La nourriture qui plaît aux uns est dédaignée par les autres; voilà pourquoi les frugivores et les carnivores n'ont pas les mêmes habitudes. La même variété de mœurs s'observe parmi les hommes, et forme entre leur manière de vivre des nuances très prononcées : les uns sont pasteurs ou nomades ; c'est la classe d'hommes la plus oisive, parce que leurs paisibles troupeaux leur procurent sans travail une facile nourriture : toute leur peine consiste à conduire leurs troupeaux dans de gras pâturages : c'est une sorte d'agriculteurs cultivant un champ vivant. Aristote

Dans un discours qui ne cessera jamais vraiment, Aristote lie étroitement cueillette et chasse à paresse. Le nomade y apparaît comme le résidus primitif que n'aurait pas émancipé la grande révolution du néolitique. On peut, c'est vrai, discuter de la pertinence du terme révolution : le processus en question ne fut assurément ni brutal ni simultané dans la mesure où des traces de sédentarisation apparaissent sans que pour autant l'agriculture ait fait son oeuvre; et cette dernière s'accompagne parfois de nomadisme au moins partiel. Il n'empêche que ce que produit le passage de la cueillette et chasse à l'agriculture et élevage relève bien d'un bouleversement radical du rapport de l'homme au monde ainsi que des rapports des hommes entre eux. .

D'un côté la production crée du stock à gérer, répartir, protéger d'où une société urbaine qui se crée vec ses hiérarchies, ses codes, ses lois. Et donc une division sociale du travail. De l'autre une humanité qui cesse d'être strictement dépendante de la nature en la transformant et inventant le temps avec le travail. Ce qui s'y joue ? Cette double négation à quoi Bataille faisait référence.

C'est ceci même qui se joue là-dessous comme si se rejouait le délire du sauvage ou de presque-pas-encore homme ! L'homme naissant de cette double négation 3 , le nomade ne peut être qu'un primitif, un pré-homme. Le travail étant sous sa forme productive l'essence de l'homme, derechef le nomade est celui qui ne travaillant pas encourt à la fois la condamnation morale de la paresse et celle ontologique de l'inhumanité.

La politique de la peur 2

A plus d'un égard elle revient à la peur du politique ! Tentation spontanée de tous les politiques en danger, mais plus généralement de tous les politiques de droite, et ceci Marx l'avait vu, on neutralise toujours un problème, une question en le naturalisant. C'est ainsi, ce sont les faits, on n'y peut rien, c'est la loi du marché et autres sentances repérables à l'envi, toutes disent la soumission au fait.

La droite a tendance à ce naturalisme-ci, à tout retraduire en terme de technique pour neutraliser, mais il y a plus ici 4 : ce que produit - en tout cas ce qui accompagne - la mondialisation, pourtant assumée, revendiquée, promue par les libéraux comme la panacée universelle, n'est autre qu'un vaste repliement sur soi sous l'argument d'une identité perdue. Réaffirmation donc de valeurs supposées propres, inévitablement contre les autres ! Ce qui ne peut aller qu'avec la négation soblement habillée certes mais négation quand même de tous ceux qui ne participent pas du patrimoine national. Qu'avec de réels perspectives xénophobes qu'illustre l'actuel assaut contre les roms !

Il n'est pas de société qui n'ait un extérieur, un ailleurs, un autre parce qu'elle a nécessairement une frontière. La mondialisation aura déplacé la notion de frontière, qui n'est plus ni physique ni politique, mais désormais ontologique en tout cas axiologique.

Il n'y a donc aucun étonnement à observer que c'est autour de la valeur princeps de l'occident libéral que se forge la politique de repli : le travail ! L'autre, c'est celui qui hait le travail : autre façon de relancer le mythe du complot.

Cette politique de la peur 5 rappelle trop de souvenirs : ceux de cette France des années trante percluse de sa gloire passée, et de sa jeunesse perdue; cette France qui donna autant la politique belliciste et petite bourgeoise d'un Poincarré que Mai 36; autant le 6 Février 34 que l'unon de la gauche ! Autant Pétain, Laval et consorts que De Gaulle Blum ! Cette politique de la peur c'est celle de la ligne Maginot, de la boursouflure verbale ; d'une politique volontaire dont on n'a plus les moyens !

Des relents de fascisme ?

Oui bien sûr ! Les conditions en sont réunies depuis plusieurs années déjà et ses offensives en `èurope ne laissent pas d'inquiéter.

On est juste passé cette semaine de la peur à la haine ! de la vindicte à la proscription.

Le peuple est lent à se réveiller, on le sait ! et ses colères sont d'autant plus vives que sa patience fut grande.

Mais là il est vraiment temps de se réveiller !

 


1) voir Nouvel Obs

2) voir ce que nous en écrivions à propos du livre de Badiou
ce texte d'Arendt aussi ainsi évidemment que ce texte de Levi-Strauss

lire également Amnesty International

voir l'intervention présidentielle

3) Mais en tant qu'il y a homme, il y a d'une part travail et de l'autre négation par interdits de l'animalité de l'homme. Bataille

4) relire à propos de Badiou mais aussi

5) lire

sur les Protocoles des Sages de Sion voir