De la planète

A propos de l'article de T Jackson :

Planète.

Empr. au subst. masc. lat. planeta, -ae «astre mobile, planète», (iies. ds OLD, v. aussi Corpus Inscriptionum latinarum t.5, no 3466), réfection par changement de déclinaison de planetes, -um plur. (iies., ibid.), empr. au plur. gr. πλάνητες dans le synt. πλάνητες ἀστέρες «planètes» ou simplement oἱ πλάνητες, de πλάνης, -ητος «errant», de πλανάω «égarer», au passif «errer».

J'aime assez, dois-je l'avouer, que la planète se caractérise comme astre errant. Ce qui n'a pas de place, erre, divague subitement en prend une et se place au centre de nos préoccupations.

L'économie a toujours envisagé la richesse comme une production de biens et tenu pour nul l'environnement, le mode de vie, la qualité de la vie. D'où cette si grande difficulté à découpler croissance et production matérielle. De même, jamais elle ne compte dans les coûts, l'impact de notre production sur l'environnement. Or, dès à présent, qualité de l'eau, de l'air, pour ne prendre que ces exemples triviaux, cessent d'avoir un coût négligeable : il n'est qu'à voir l'évolution du prix de l'eau en France 1

C'est en ce sens que nous vivons vraisemblablement une véritable révolution culturelle dont il n'est pas certain que nous ayons prix l'exacte mesure: dire que la nature est rentrée dans l'histoire

- signifie d'abord que nous ne pouvons plus simplement considérer nos actes culturels comme une protection vis à vis de la nature voire une prise de possession ; qu'il s'agit désormais d'un jeu à trois et que ce sont donc tous nos processus d'évaluation qui sont à repenser

- signifie ensuite que c'est la place même de la technique qu'il faudra repenser en quoi nous n'avons cessé de voir solution à nos maux mais qui devient précisément aujourd'hui ce qui fait problème. Non seulement, tel qu'Heidegger l'aura entrevu, elle nous échappe, mais surtout elle nous entraîne dans une logique mortifère.

la technologie ne peut plus être considérée
comme la solution à nos difficultés.*

- implique enfin une refondation idéologique. Si tout le système s'appuie sur l'incitation du désir de consommation, il offre un modèle de réussite sociale passblement individualiste qui risque fort d'être mis en péril demain, non tant par la crise, qui peut n'être que passagère, que par cette mutation qui nous entraîne vers un autre mode de développement. Que désirons-nous ? Qu'est-ce que, pour nous, réussir nos vies ... : des questions hautement idéologiques, morales, implicites sous chacune de nos actionsqu'il nous faudra assurément nous reposer demain. Voir du côté de N Grimaldi ? 2

- sous-entend, mais c'est peut-être la même chose une remise à plat complète de notre attachement à la valeur travail. Notre récente histoire politique le montre jusqu'à la caricature : faire de la valeur travail l'exclusif fondement de notre société revient inévitablement à la dévaluer. Tant qualitativement que quantitativement, le travail lié à la culture de la productivité accrue tend à occuper de moins en moins de place dans nos vies, une place de moins en moins susceptible de nous identifier ou de nous valoriser.

Au centre, désormais, la planète; à la périphérie, nous ... qui errons.

Nous sentons confusément que rien de ce que nous entreprenons n'est plus ni évident ni durable. Coincés entre un millénarisme apocalyptique auquel nous nous refusons, et la certitude d'un monde sans repère fiable, c'est nous désormais qui errons ! Astre presque éteint, au bord de l'implosion !


1)

 

2) voir