Cette affaire révèle une vraie trahison
Se joue sans doute ici la posture même du clerc.Je vois trop d'extrêmes s'inverser, et virevolter tour à tour d'un côté puis de l'autre pour ne pas soupçonner qu'il y va plus encore que de paroles malheureuses, pire encore que de trahisons à la petite semaine 1 N'y pourrait s'éplorer - ou se déplorer - que de l'absence de pensée. Notre histoire a déjà connu de ces périodes où la vacuité le disputait pourtant à l'urgence, et nous savons depuis Hegel mais surtout depuis Bachelard combien l'histoire de la pensée est stochastique, pour ne pas dire chaotique! Sans doute faut-il penser de l'intellectuel qu'il est, lui aussi, à l'instar du grand homme, à l'intersection de l'universel et du singulier, et se reconnaît à sa capacité à sentir son époque et saisir l'occasion. A la croisée des chemins, d'un XXe décidément achevé et d'un XXIe qui ne s'avoue pas encore; dans l'interstice laissé par l'effondrement des grands systèmes et la victoire par défaut d'un libéralisme qui s'avoue surtout par la défaillance intellectuelle de son pragmatisme; entre l'impossibilité de regarder notre passé en toute fierté et le fol rêve de grandeur réinsufflé, oui, s'engouffrent, parce que la place y est délaissée, toutes les contrefaçons, toutes les affèteries, s'expurgent tous les refoulés, implicites et autres stupres. A la recherche d'une alternative, à la recherche d'une pensée alternative qui fait furieusement défaut depuis l'effondrement du marxisme, nous voici coincés entre l'horreur derrière nous et le vide sidéral devant nous, entre la violence totalitaire d'un côté et la déréliction économique de l'autre. Je vois les faux prophètes et les débats fallacieux, mais de pensée, non décidément! A l'heure où les inégalités s'accroissent qui bousculent toutes les géopolitiques, quand les périls ne sont plus seulement ceux, classiques de la violence sociale ou politique, mais que d'entre les guerres, redevenues possibles parce que souhaitées, s'immisce une autre violence plus redoutable celle d'un insolite protagoniste qui n'est autre que la nature elle-même s'invitant à la table des prédateurs et parasites, à cette heure sans doute cruciale, parce qu'elle est à la croisée de notre histoire, que s'y entremêlent précisément nature et histoire, et, donc, notre destin, quel silence! Nous attendions une pensée, nous espérions une philosophie; pas nécessairement un système, surtout pas un système, mais une terre d'où s'élancer; un regard, un prisme nouveau sur quoi arc-bouter notre action, mais non, rien ! Rien que le silence! Rien que le retrait! Rien que ces ridicules polémiques, rien que ces dérapages obscènes! Pourquoi? Traumatisme des systèmes ou système de trahisons?Julien Benda, dans les années trente avait évoqué la Trahison des clercs mais dans un tout autre sens; il s'agissait alors de fustiger ceux de nos penseurs qui désertaient le monde des Idées pour patauger dans le réel économique et politique. Benda estimait que c'était à partir de leur territoire qu'ils pouvaient donner un sens au réel, non pas en le désertant. Peut-être la chose reste-t-elle encore vraie, à condition de se souvenir de ce double traumatisme du marxisme et du nazisme qui empêcha d'aucun de pouvoir encore penser redoutant que ce fût l'acte de pensée lui-même qui engendrât le totalitarisme. Penser n'est-ce pas ipso facto faire système et écarteler l'être de totalité mortifère? Certes, avoir entendu certains de nos grands penseurs vanter les mérites de systèmes totalitaires, ou, en tout cas, constater que leur science ne leur permit même pas de les reconnaître comme tels, est bien plus traumatisant que les lâchetés individuelles qui empêchèrent l'un ou l'autre de s'engager où l'on eût pu les attendre! C'est toute la promesse cartésienne d'une rigueur méthodique nous prévenant des passions et préjugés qui fut démentie! Cette trahison pourrait n'être que le fruit de la lâcheté: je redoute que ce ne soit plus grave que cela! Le retrait de l'oeuvre fit le lit des écrivassiers!
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