Politique de civilisation

 

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On le sait, Sarkozy, dans sa récente conférence de presse, a fait référence à ce concept citant par la même occasion Edgar Morin qui l'aura utilisé dans un de ses précédents ouvrages.

Au delà de l'ironie de cet emprunt, logique pour un président qui se déclare n'avoir aucun tabou, mais bien étonnant pour un homme qui rappelle souvent qu'il n'est pas un intellectuel, au delà du coup médiatique auquel il nous a habitué, cet emprunt théorique fait réfléchir.

Je n'ai jamais aimé, je l'avoue, le terme de civilisation qui procède trop, par son origine, de son opposition, trop binaire à mon goût, d'avec le barbare. Mais je ne prêterai évidemment pas à Morin l'idée sotte de vouloir réinsuffler ces politiques ethnocentristes qui justifièrent en son temps la colonisation - entre autres.

Fidèle à sa méthode, à la compréhension même de ce qu'il entend par complexité, E Morin a sa manière ne fait pas autre chose que de redonner un sens à la politique.

Que cette dernière soit autre chose que la simple gestion du quotidien, nous le savons et nous regrettons parfois qu'elle l'oubliât si souvent dans les dernières années.

Morin sait, et le redit, combien notre monde semble désormais à un tournant que l'intrication et la complexité des problèmes, rendent précisément nécessaire.

La fin du progrès

Ce que Morin repère c'est ce grand tournant qui mit fin aux presque deux siècles de cette philosophie du progrès qui anima l'occident. Non seulement nous avons montré que cette civilisation n'épargnait pas le risque de l'horreur, mais qu'elle généralisait les formes possibles de la violence et de la guerre, mais encore nous percevons que cette maîtrise des sciences et des techniques n'ouvre pas l'horizon de bonheur qu'un Saint Just annonçait, pour nous laisser dans la désolation, mais surtout nous savons que nous sommes destructeurs  de nos propres œuvres en même temps que du monde qui nous tient. Nous savons désormais que demain risque d'être pire qu'hier, nous sentons confusément que rôde la mort.

Ceci est, effectivement, un des plus grands bouleversements culturels au moins parce qu'il achève un long cycle; surtout parce qu'il ouvre des horizons bien incertains.

Il n'y a, au fond, que deux lectures possibles de ce tournant, en s'excusant presque de la trivialité de cette assertion.

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lecture optimiste, que celle, par exemple de M Serres, énonçant, dès Hominescence, combien l'humanité sut toujours trouvé des moyens de rebondir des dangers mêmes qu'elle suscitait. Affirmant combien c'était de la conscience même que l'homme aura de la mort que peut jaillir précisément la force de l'innovation.

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lecture pessimiste, apocalyptique, que celle d'un Girard, jugeant que la montée aux extrêmes était à ce point inéluctable que l'issue ne pourrait surgir que de l'explosion même d'un monde incapable de renoncer à sa violence. Celle d'un Freud aussi qui sentait bien combien la civilisation ne tenait que pour autant qu'elle pût juguler et donc sublimer les pulsions agressives et donc être rassurantes plutôt qu'inquiétante. Rien n'est plus dangereux que les sociétés qui ont peur. Or, nous en sommes là.

L'exigence du politique

Morin, assurément, se situe du premier côté. Mais au fond ceci ne tient-il pas à la notion même de politique.

On n'imagine pas une politique qui ne soit précisément un effort de transformer le réel, d'aménager la socialité humaine. De ce point de vue toute politique digne de ce nom relève toujours de cette double négation où G Bataille relevait le signe même de l'humain.

C'est bien à une grande politique qu'il fait appel, de celle capable d'intégrer dans un même mouvement la diversité du réel, et la force d'un projet. Il y avait quelque chose de ceci dans cette idée que de Gaulle se faisait de la France . Désormais l'horizon d'une telle idée ne saurait plus être circonscrite à un pays, à une nation, mais, globalisation oblige, à l'universalité.

C'est toute l'ambigüité de Sarkozy, me semble-t-il ! On ne peut nier sa ferme volonté de restaurer la dignité du politique. Autorité, action en sont les maîtres-mots, et on le comprend. Il succède à un président qui aura passé ses deux mandats à confesser qu'il ne pouvait rien contre la mondialisation à quoi il fallait se soumettre. Lui, dans ce tourbillon parfois désordonné que son hyperactivité et sa boulimie très people de communication brouillent un peu trop, lui, avec cette ferme prétention a la rupture, semble vouloir, prête à l'illusion de le pouvoir.

Mais, il faudrait pour ceci avoir une véritable vision, une représentation cohérente et je ne suis pas certain qu'il possède assez de culture pour cela ! L'emprunt à Morin reste celui de Guaino et je crains que Sarkozy ne confonde encore la politique avec le management ... et le monde avec l'entreprise.

Mais il faudrait encore que la politique fût encore vivante : or, le primat de l'économie, du travail et de la consommation (cf Arendt) non seulement réifient l'homme mais tuent avec lui, l'essence du politique. 

Il y a un pari : savoir s'il n'est pas déjà trop tard !

On peut s'amuser avec Morin que ce mouvement provienne d'un Sarkozy aussi atypique et il n'est pas faux que les grandes ruptures ne proviennent que très rarement de là où on les attend. Il n'empêche on aurait pu espérer de la gauche autre chose que ce silence sidéral; sidérant !

L'exigence du global

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Edgar Morin iT l Sarkozy politique
envoyé par Repenti

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