Le charme ébréché du sarkozysme

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Le charme ébréché du sarkozysme

LE MONDE POUR DIRECTMATINPLUS | 21.02.08 | 06h43  •  Mis à jour le 21.02.08 | 06h43


 

our les futurs historiens du sarkozysme, ce sera l'énigme à résoudre. Il y aura de quoi en faire des thèses pour les étudiants en sciences politiques ! Comment l'un des présidents les mieux élus de la Ve République a vu sa popularité fondre en quelques semaines, comme un joueur flambe sa fortune, en un soir, au casino de Deauville ? Autour de 60 % de bonnes opinions au sortir de l'été 2007, moins de 40 % à l'approche du printemps 2008, selon un sondage BVA pour L'Express.

Le Président lui-même ne sait à quelle explication se fier : "Il n'y pas de crise politique, pas de crise sociale, pas de juges aux portes de l'Elysée, disait-il, le 13 décembre à ses proches. Pourtant, on n'a jamais vu un lynchage de cette puissance." Sarkozy, victime sans mobile ? Pour les sondeurs, les premiers décrochages se sont produits en novembre, lors de la visite du président libyen à Paris. Trop longue aux yeux de l'opinion pour qui la libération, en juillet 2007, des infirmières bulgares et du médecin palestinien retenus depuis six ans à Tripoli, ne valait pas tant d'honneurs à Kadhafi. Pour les Français, auxquels Nicolas Sarkozy avait promis, pendant sa campagne, de mener "une diplomatie des droits de l'homme", cette concession passe alors pour un reniement.

Vient ensuite l'apparition de Carla Bruni, la nouvelle future épouse du chef de l'Etat. Révélée début décembre, cette séquence, amorcée quelques semaines après le divorce du chef de l'Etat d'avec Cécilia, apparaît comme une manière, pour l'Elysée, de détourner l'attention de l'opinion de la question du pouvoir d'achat. "Trop de Carla, pas assez de pouvoir d'achat", se plaignent, en privé, les élus lorsqu'ils reviennent de leurs tournées sur les marchés. "Au fond d'eux-mêmes, les Français ne se sont pas reconnus dans la façon dont il a renoué avec l'amour, explique un député. Eux, quand ils souffrent, ça dure plus longtemps." Mais le Président n'entend pas ces reproches. Provocateur, il appuie là où cela fait mal. Il emmène sa nouvelle conquête en Egypte, puis en Jordanie pour un week-end à Pétra. Enfin, il l'épouse, début février. Autour de lui, les conseils abondent : "Sois plus discret", "Intéresse-toi davantage aux Français." Mais le Président n'écoute pas : "Il a déserté psychologiquement l'Elysée", tempête un conseiller en souvenir de cette période. Pour les sondeurs, la cause est entendue : l'exposition de sa vie privée a provoqué chez les Français un sentiment d'abandon.

Il y a plus ennuyeux. Habitué depuis cinq ans à faire de la politique avec des vents porteurs, il peine face aux vents contraires des sondages. Ses initiatives, ses changements de pied, lui avaient permis, pendant la campagne, de dérouter ses adversaires et d'imposer son tempo. La même tactique, neuf mois plus tard, déboussole. A l'approche de municipales à risques pour l'UMP, l'expert es stratégie semble avoir perdu la main.

Les propositions de la commission Attali, notamment celles qui concernent la libéralisation des professions protégées, provoquent la grogne des artisans taxis, considérés par l'UMP comme des électeurs fidèles. Elles prennent les parlementaires à rebrousse-poil : ils s'interrogent sur leur rôle dans la République sarkozienne. Déjà, ils n'avaient pas aimé l'ouverture… Maintenant, ils ne supportent plus l'intervention des conseillers du Président. "L'Assemblée est une Cocotte-Minute, analyse un député. Pour l'instant, Sarko est assis sur le couvercle, mais si les municipales sont échec, ça pétera." Kadhafi, Bruni, Attali… Il faut encore ajouter Neuilly et son psychodrame. Après avoir imposé, dans son ancien fief, son porte-parole, David Martinon, le Président, instruit des sondages médiocres, le contraint au retrait. La gauche croit tenir une martingale électorale à défaut de propositions et de leader. L'anti-sarkozysme se régénère dans un appel à la vigilance républicaine publié par l'hebdomadaire Marianne et signé par des éliminés de la course présidentielle de 2007.

Le chef de l'Etat veut croire qu'il en a vu d'autres. Sa carrière n'est-elle pas une suite de descentes aux enfers vertigineuses, suivies de remontées spectaculaires ? Il vient donc de sonner la charge et a ordonné à ses ministres de le défendre face aux attaques sur sa vie privée, dont il se dit l'objet, et sur ses propositions comme celle de "confier la mémoire" d'un enfant français juif, victime de la Shoah, à un élève de CM2. Miracle : aiguillonné par la menace feutrée d'un remaniement d'après-municiaples, tout le gouvernement s'est porté au secours du chef de l'Etat. La reconquête serait-elle en marche ?

Philippe Ridet