Le conseiller de
Nicolas Sarkozy estime qu’«on doit pouvoir discuter de tout». Il cite
Jaurès «qui disait "Prononcer le mot Dieu ne me fait pas peur."»
Liberation.fr (avec source AFP)
LIBERATION.FR : vendredi 22 février 2008
Le débat sur la laïcité n’est pas clos. Encore une
fois, c’est un conseiller qui prend la parole. Henri Guaino affirme à
propos de la laïcité que «dans une démocratie on doit pouvoir
discuter de tout». Et s’il assure, dans l’entretien qu’il donne à la
Provence, qu’«il n'est absolument pas question de remettre en
cause ni la lutte contre les sectes, ni la laïcité», le conseiller
spécial veut ouvrir le débat : «À force d'être paralysé par les
tabous, on finit par ne plus parler de rien».
Et Henri Guaino d’ajouter : «Dans la République, la
possibilité de pratiquer sa religion quand on est croyant est une
dimension essentielle de la citoyenneté. La laïcité, ce n'est pas le
combat contre les religions, c'est le respect de toutes les croyances.»
Adepte des citations – les discours de campagne de Nicolas Sarkozy qu’il
préparait l’ont montré – Henri Guaino fait référence à «Jules Ferry»
et appelle à «se souvenir de Jaurès, qui était socialiste, et qui
disait : "Prononcer le mot Dieu ne me fait pas peur."»
Ces propos d’Henri Guaino font échos à ceux tenus par le chef de l’Etat le
20 décembre dernier, lors de sa visite au Vatican. Nicolas Sarkozy s’était
livré à un éloge de la morale chrétienne. «L’instituteur ne pourra
jamais remplacer le curé ou le pasteur», avait notamment dit le
président à la basilique Saint-Jean de Latran, au Vatican.
Les conseillers «ne décident rien»
Interrogé par ailleurs sur les critiques formulées contre la garde
rapprochée du président, Henri Guaino demande : «De quoi parle-t-on ?
Du fait que les conseillers s'expriment publiquement ?» «Mais la
démocratie, c'est la liberté d'expression pour tout le monde, pas
seulement pour les notables de la politique», lance l’ancien
séguiniste. «Y avait-il plus de démocratie quand les conseillers
étaient dans l'ombre ? Quand personne ne les connaissait ? Si c'est le
pouvoir des conseillers que l'on critique, que l'on se rassure, ils n'en
ont aucun. Ils ne sont là que pour éclairer la décision, mais ils ne
décident rien».
Le débat autour des interventions médiatiques des conseillers élyséens a
été relancé cette semaine par les déclarations controversées d'Emmanuelle
Mignon, directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy

Le conseiller spécial du Président livre son analyse sur la situation
politique actuelle
La Provence
Selon le proche conseiller du chef de l'État, "le moral
des Français n'est pas indexé sur la vie privée du Président".
Il
est, parmi les onze conseillers de Nicolas Sarkozy, l'un des plus écoutés.
Henri Guaino n'est pas seulement "la plume" du Président, il est un peu son
mentor. Il s'exprime, pour la première fois dans La Provence, sur
l'actualité politique et sur un projet, qui lui est cher depuis treize ans,
l'Union pour la Méditerranée.
- À deux semaines des municipales, alors que le décrochage du Président
Nicolas Sarkozy se confirme dans les sondages, quel est l'état d'esprit à
l'Élysée?
Henri Guaino : "Toute élection est
importante, il faut être très attentif à ce qu'expriment les Français.
L'élection municipale est une élection où les critères locaux l'emportent
sur tout le reste. Elle a comme toute élection une dimension politique.
Reste que les électeurs savent bien qu'ils vont se prononcer pour choisir un
maire, une équipe qui va gérer leur ville. C'est un scrutin très
personnalisé, aussi l'hypothèse du vote sanction n'a pas beaucoup de sens.
- Comment expliquez-vous ce trou d'air?
H. G. : Les Français qui, depuis trente
ans, ont vu leur situation se dégrader, sont légitimement impatients, en
même temps ils savent bien qu'il faut du temps pour que les mesures
produisent leurs effets.
- La vie privée joue-t-elle un rôle ?
H. G. :Le moral des Français n'est pas
indexé sur la vie privée du Président et qui peut croire qu'un Président
malheureux serait un meilleur Président qu'un Président heureux ? Mais un
sondage, c'est l'expression d'un état d'âme. Ce qui ne veut pas dire qu'il
faut faire comme si tout allait pour le mieux. S'il y a une leçon à tirer,
c'est que l'attente est grande et que l'exigence qui s'impose au
gouvernement et à la majorité est très forte. Nous n'avons pas le droit de
décevoir.
- Est-ce que, pour vous, Marseille, seule des
trois grandes villes de France détenue par la droite, est une ville test?
H. G. : C'est évidemment un symbole. C'est
une ville qui occupe une grande place dans le paysage politique français.
Jean-Claude Gaudin et son équipe ont fait un énorme travail, la ville est en
pleine renaissance. L'équipe sortante a toutes ses chances, mais rien n'est
jamais joué. Une élection se gagne toujours à l'arrachée.
- Votre regard sur la bataille à Aix?
H. G. :J'ai rarement vu à Aix une élection
qui ne soit pas compliquée. D'ailleurs, la politique en Provence a toujours
été compliquée...
- La querelle concernant la Shoah ne
donne-t-elle pas raison à ceux qui fustigent la personnalisation du pouvoir?
N'est-elle pas un simple coup politique ?
H. G. : C'est au Président, qui a la
responsabilité d'inscrire l'avenir dans la continuité historique, d'ouvrir
ce genre de débat. Il a fait une proposition, il en émergera, ensuite, des
zones de consensus. Il a été dans son rôle, ce n'est pas un "coup", mais
l'expression d'une conviction profonde.
- Les controverses se multiplient. Doit-on craindre une
remise en cause de la laïcité. Est-ce cela la politique de
civilisation prônée par l'Élysée?
H. G. : Il n'est absolument pas question
de remettre en cause ni la lutte contre les sectes, ni la laïcité, mais dans
une démocratie on doit pouvoir discuter de tout. À force d'être paralysé par
les tabous, on finit par ne plus parler de rien. Dans la République, la
possibilité de pratiquer sa religion quand on est croyant est une dimension
essentielle de la citoyenneté. La laïcité, ce n'est pas le combat contre les
religions, c'est le respect de toutes les croyances. Il faut relire Jules
Ferry et se souvenir de Jaurès, qui était socialiste, et qui disait :
"Prononcer le mot Dieu ne me fait pas peur."
- La garde rapprochée présidentielle est
critiquée!
H. G. :De quoi parle-t-on? Du fait que les
conseillers s'expriment publiquement ? Mais la démocratie, c'est la liberté
d'expression pour tout le monde, pas seulement pour les notables de la
politique! Y avait-il plus de démocratie quand les conseillers étaient dans
l'ombre ? Quand personne ne les connaissait ? Si c'est le pouvoir des
conseillers que l'on critique, que l'on se rassure, ils n'en ont aucun. Ils
ne sont là que pour éclairer la décision, mais ils ne décident rien.
- Quel conseil donner au Président pour sa
reconquête?
H. G. : Être en tout point fidèle
aux promesses de la campagne. Aller au bout des engagements pris quelles que
soient les difficultés.
- L'Union pour la Méditerranée peine à faire l'unanimité, notamment
auprès des Allemands. Pourquoi ?
H. G. : Tout ce qui a été fait avec les
pays méditerranéens jusqu'à présent n'a pas permis de résoudre leurs
problèmes. Or, ce qui passe en Méditerranée menace la paix et la sécurité
d'une bonne partie du monde. Les pays européens sont toujours restés dans un
dialogue Nord-Sud, déséquilibré. Ce que la France a proposé, rejointe par
l'Italie et par l'Espagne, c'est un partenariat à part égale entre tous ces
pays qui ont un destin commun. Il y a là un enjeu de civilisation.
Cette union est une nouvelle forme de coopération qui veut faire du bassin
méditerranéen un laboratoire du co-développement. Elle est un grand projet
qui, comme tous les grands projets politiques, suscite des réactions. Si
l'Union pour la Méditerranée réussit, ce sera le meilleur service qui pourra
être rendu à l'Europe et au monde! Quant aux Allemands, je n'imagine pas que
nous n'arrivions pas à rapprocher nos points de vue!
- Le sommet de lancement aura lieu à Paris les
13 et 14juillet. N'est-ce pas dommage qu'il n'ait pas lieu à Marseille,
comme initialement prévu?
H. G. :La symbolique marseillaise était forte. Ce sont des
raisons purement pratiques qui ont emporté la décision. Dès lors que l'on
voulait réunir les pays de la Méditerranée avec ceux de l'Union européenne
et que tous les pays européens étaient déjà invités à Paris pour le
14juillet, la solution de Paris s'est imposée. Mais Marseille aura un grand
rôle à jouer à l'avenir dans ce dossier. Renaud Muselier, premier adjoint au
maire de Marseille, a conduit un remarquable travail parlementaire sur ce
projet.
- Verra-t-il vraiment le jour?
H. G. : Ce sera une question de volonté
politique. Il faudra rompre avec les habitudes du passé, transgresser
quelques tabous. Et je crois que tout le monde commence à être conscient
qu'il a une portée historique telle, que chacun a le devoir de tout faire
pour qu'il réussisse."