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Décote Pouvoir et sacré Pouvoir et puissance les deux formes du politique
DécoteSarkozy dévisse dans les sondages autre manière de signifier la fin de l'état de grâce et voici soudain que la presse s'interroge, et s'enhardit à ne pas comprendre ... Etat de grâceConcept plus religieux que politique, il fut, à ma connaissance utilisé par F Mitterrand lors de l'annonce de sa candidature à l'élection de 81. Il ne pouvait pas ne pas escompter, une fois élu, après 23 ans d'opposition, sur les effets qu'un président de gauche pourrait escompter d'une telle rupture . Cet état s'appuie à la fois sur le KO réel d'une opposition peu habituée à la défaite et sur l'attente des électeurs tout ébaudis de leur audace même. Sans doute le nouveau pouvoir eut-il conscience très forte de cette fenêtre de tir, finalement assez étroite, qui fit qu'un Deferre 2 notamment poussa pour l'urgence des réformes devinant bien que ce qui n'était pas fait dans les premiers mois du septennat risquerait bien de s'engluer dans les méandres du politique sitôt cet état de grâce achevé, l'opposition requinquée et les électeurs, inévitablement déçus par la lenteur des réformes, voire par les réformes elles-mêmes dont ils attendraient à la fois plus et plus vite. 3 présupposés:La notion d'état de grâce n'est compréhensible qu'à partir de trois postulats préalables:
Pris ensemble, ces présupposés dessinent un moment privilégié, inaugural, presque magique, sitôt évanoui qu'installé, qui serait en définitive, le seul vrai moment de la puissance. Conception finalement tragique de l'histoire où rien ne serait possible que par accident, mégarde ou miracle ! Temps politique, temps socialA bien y regarder on peut observer la conjonction de plusieurs temporalités qui sans s'interpénétrer toujours, se recoupent parfois pour former ce qu'il faut bien appeler ... l'histoire .
C'est bien sur ces distinctions que s'élaborera ce qu'on appellera nouvelle histoire qui empruntera à Marx cette idée que l'histoire ne peut se résumer aux gestes des grands hommes mais qu'au contraire le récit des péripéties historiques ne prend son sens qu'à partir de l'analyse en profondeur de la réalité sociale où l'économie puis les mentalités mais l'anthropologie aussi prennent une part incontestable. C'est rejoindre l'idée hégélienne d'une Ruse de la raison où le grand acteur s'il fait effectivement l'histoire ne le peut que pour autant qu'il agisse dans le sens de la réalisation de l'esprit, bref fait l'histoire mais ne sait pas l'histoire qu'il fait. Dans une telle perspective, l'homme fait autant l'histoire que l'histoire fait l'homme. (Marx) mais c'est assez dire combien grande est l'illusion du politique. Temps long des profondeurs où les évolutions sont si lentes qu'elles semblent n'avoir jamais lieu, temps si court des décisions politiques où les résultats se font tellement attendre, quand ils viennent, où les années de pouvoir semblent si piètres en regard des luttes de conquête qui le précédèrent ...
Mais derrière ces couples, se profile peut-être plus radicalement l'illusion du pouvoir ou, mais n'est-ce pas la même chose, la mégalomanie : croire que l'on puisse agir sur le réel par le seul effet de sa volonté, c'est effectivement ou bien une folie ou bien une grâce.
GrâceLa toute puissance se manifeste toujours par la suspension du temps : que la lumière soit ! Et la lumière fut ! Rien, nul délai entre ces deux phrases. C'est en ceci que réside la puissance. Quand la parole se fait acte, qu'il suffit de parler pour que le réel obéisse ! Ce que la formule du magicien contrefait à l'envi. L'impuissance totale se traduit quant à elle par un temps infini entre la parole et le réel et si pouvoir nous aurions, il résiderait, manifestement, dans la capacité de réduire quelque peu l'infinie distorsion entre nos désirs, volontés et le réel ! Le sage est celui qui a le temps pour lui - il est tempérance - le fou au contraire piaffe d'impatience ! La grâce est cette faveur, accordée par dieu, qui ouvre la perspective d'un destin surnaturel, en particulier d'un parcours dénué de tout péché. Cette faveur c'est au fond celle d'un dieu habitant l'homme. On voit bien ce qu'une telle perspective peut avoir de miraculeux qui fait sortir l'élu du rang et lui confère quelque chose de l'ordre de la puissance. Alors oui, l'état de grâce est bien cet état où rien ne semble résister à la parole, où la volonté se réalise dans l'immédiat. Il ne faut pas interpréter autrement la nature thaumaturgique des monarques d'Ancien Régime : procédant de dieu, ils tenaient de lui ce signe de la puissance ! Le pouvoir participe ainsi du sacréMais cette procession implique une extériorité et c'est sans doute ceci que semble ne pas vouloir comprendre Sarkozy. Celui qui est au principe, celui qui ordonne ne peut appartenir à l'ensemble qu'il ordonne. Même symboliquement, il est dehors, à l'écart. C'est cette stratégie qu'adoptèrent avec plus ou moins de bonheur ses prédécesseurs (De Gaulle et Mitterrand 3 surtout) . L'hyper-présidence aboutit exactement à l'inverse de ce qui fut souhaité: c'est désormais celui qu'on voit peu - Fillon - qui a désormais la cote. Sans doute est-ce dans ce désarroi qu'il faut comprendre le discours du Latran : la recherche d'un appui du sacré qu'il ne trouve pas faute d'avoir compris la fonction présidentielle. Sans doute faut-il, peut-on, interpréter l'impétuosité présidentielle comme l'ultime ressac d'un ego démesurément humilié, d'une adolescence mal achevée. Il y a quelque chose de surprenant de voir ce quinquagénaire bondir et rebondir tel le cabri de la parole gaullienne ! S'il est quelque chose de commun entre le sacré et l'adolescence n'est-ce pas justement cette extériorité au temps? mais le premier lui est transcendant quand la seconde tente désespérément de lui échapper - ce qui n'est pas la même chose. Le premier ensemence le temps quand la seconde n'a d'autre argument que sa candide juvénilité c'est-à-dire ici l'illusion d'être à l'origine, au début, d'une épopée. Je n'aime pas, je l'avoue, les interprétations psychologisantes, mais, le moins qu'on puisse dire, est que Sarkozy n'a pas pris la mesure de la présidence, n'a peut-être pas compris ce qu'est le pouvoir. Sous couvert de modernité, sous le prétexte de l'engagement, il confond sciemment politique et action - voire réaction - semblant, ce qui est un comble, subir les événements plutôt que les ordonner.
Pouvoir & Puissance (suite)1) on peut lire sur ses paradoxes sur l'état de grâce dont B Teinturier pense qu'il n'est plus un concept valide 2 ) on retrouve cette idée d'urgence dans le récent rapport ATTALI 3) regardons simplement comment la cote de popularité de Mitterrand grimpa systématiquement après que ses défaites, cohabitations obligent, le contraignirent à être moins présent, plus silencieux, et à devenir effectivement arbitre. |