Pouvoir et puissance

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Pouvoir et puissance

Le héros de l'histoire est toujours celui qui, au gré de volonté forte ou de hasard, celui qui se trouve au croisement des mouvements de fond, des transformations lentes. Qu'il soit le fer de lance de ces transformations, qu'il soit le porte parole des forces sociales qui incarnent ces transformations et alors il a quelque chance de parvenir à être acteur de l'histoire, voire un grand acteur. A l'inverse qu'il soit le symbole des forces déclinantes et alors il sera balayé, vite ou lentement, par le flux nécessaire des événements.

L'exemple du Comte de Chambord :

C'est bien ainsi que l'on peut comprendre le lent accouchement de la IIIe République. Certes, la majorité parlementaire était monarchiste, mais ce courant était divisé et, surtout, ne signifiait pas adhésion du peuple à un retour de la monarchie. Furent élus, quels qu'ils furent, les partisans d'une paix immédiate et, pour autant que les républicains, symbolisés par Gambetta, signifiaient poursuite à tout prix de la guerre, ils furent battus.

C'est bien ainsi que l'on peut comprendre l'incroyable épisode du drapeau blanc, incompréhensible autrement : derrière l'attachement d'un comte de Chambord, sans descendance directe et qui eût de toutes façons cédé le trône aux orléanistes à sa mort,  il y a en réalité la volonté de rétablir une monarchie absolue, et donc non constitutionnelle, il y a surtout des forces économiques opposées, les orléans, par leurs intérêts au moins autant que par leurs convictions étaient partisans d'une économie libérale appuyant le développement industriel nécessitant surtout à leurs yeux une économie non dirigiste quand, au contraire, les légitimistes voulaient restaurer une économie essentiellement agricole, protectionniste. Les premiers avaient investi dans l'économie industrielle naissante, les seconds restaient prostrés sur leurs privilèges et acquis terriens.

On le voit, même assis sur une conjonction politique favorable et un contexte international de crise, un homme ne peut marquer son temps que pour autant qu'il aille dans le sens des évolutions en cours. 1

L'exemple du 18 juin 40

L'appel du 18 juin semble contredire cette analyse dans la mesure où il laisse à voir un homme seul, allant à l'encontre des événements et des crises et parvenir néanmoins à ses fins.

De Gaulle est, manifestement l'exemple même du grand homme, du grand acteur qui semble bouleverser le cours de l'histoire à force de détermination, d'entêtement ! Où il semble rejoindre cette autre grande figure de l'histoire que fut Clemenceau !

Remarquons, néanmoins, que la bifurcation que ces hommes semblent pouvoir imposer au cours de l'histoire n'est possible que sur fond de crise, que celle-ci est souvent militaire ( idem en 58 lors de la crise algérienne) . Remarquons ensuite qu'en réalité si la figure emblématique du grand acteur peut correspondre à une certaine réalité, cet acteur n'est évidemment jamais seul : De Gaulle sans l'appui de Churchill, sans l'entrée en guerre des américains ni même d'ailleurs sans son opposition à Roosevelt, qu'eût-il été, qu'eût-il pu faire ?

les deux formes du politique

En réalité on observe bien que les conditions de possibilité de l'action dans l'histoire sont ainsi parfaitement déterminées. Mais aussi que les formes de cette action sont totalement délimitées.

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Jamais le héros n'est en lui-même acteur, en tout cas seul acteur. Il n'est pas l'homme à tout faire de l'histoire : il est son  fer de lance, son bras armé. Symbole ou ultime expression individuelle de forces qui le dépassent, il occupe une place sur les marges, mais jamais dans l'histoire. Sur les hauteurs tel Napoléon sur les champs de bataille, mais jamais dans la mêlée ... l'acteur ne peut être symbole de son temps que s'il s'en distingue. Ce que manifestement Sarkozy ne comprend pas pour ne le vouloir pas.

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Porte-parole le politique est moins homme d'action que de logos ! Roborative ou incantatoire, annonciatrice ou explicative, la parole du politique se doit d'être rare au risque sinon de s'émousser, audible sans être jamais triviale (voir l'incident du salon de l'agriculture)  . Sans que pour autant l'on puisse vraiment parler de parole performative dans la mesure où ce sont des conditions politiques précises (l'élection)  qui lui en confèrent la nature, la parole politique ressemble néanmoins en ceci à la parole magique qu'elle semble équivaloir à l'action, être l'action. Ce pourquoi sans doute on attend toujours d'elle qu'elle comporte une formule !

 

Bordure sacrée du politique, bordure politique du sacré

Ce que nous cherchons à comprendre, c'est cette jointure-ci où politique et sacré se jouxtent et dont nous pensons qu'elle ne peut se jouer que soit dans des commencements radicaux, soit dans des crises.
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crises politiques parce que c'est alors que la source du pouvoir, le souverain populaire, faisant irruption dans l'histoire, bouscule nécessairement les légitimités acquises et remet à plat autant les ordres que les espérances ! (voir les journées révolutionnaires

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commencements radicaux: ce fut le cas pour De Gaulle (au moins celui du 18 juin) qui substitua une légitimité historique et héroïque à la légitimité politique; pour Bonaparte; et, à plusieurs reprises, durant la Révolution.

 

Ce que tente Sarkozy et, selon nous, ne manquera pas de rater, c'est de trouver cette place imprenable où il pourrait être à la fois dedans et dehors; où le peuple, nécessairement dehors, serait néanmoins l'unique interlocuteur en même temps que destinataire d'une épopée qui ne pourra être que tragique.

 

 

 1 ) C'est le sens de l'analyse de Marx in La guerre civile en France

C'est au fond aussi ce que l'on pourrait dire du retour de l'ile d'Elbe. Les 100 jours, certes, mais 100 jours seulement; Le vent de l'histoire avait tourné .

2) lire et entendre

 

 

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