Ethique et management

De l’éthique et de la morale

On les sait avoir la même origine qui laisse s’opérer le glissement du fait au droit. Tout se passe comme s’il suffisait d’observer la manière dont les hommes vivent pour en faire une règle !

Les philosophes ne se sont pas toujours entendus sur la distinction entre les deux termes : les uns supposant qu’ils étaient synonymes ; les autres que l’une fût la théorie de l’autre. Ces distinctions ont un sens mais pas forcément d’importance qui ramènent au même problème fondateur. Je ne puis dire les règles du bien agir que si je dis en même temps les valeurs sur quoi se fonde ce bien agir.

C’est  plus volontiers sur ces valeurs que la philosophie peut intervenir : à la recherche de principes, qu’elle préférerait universels, la philosophie  pose sa définition du Souverain Bien sans nécessairement pouvoir toujours la démontrer. Nous sommes ici dans les principes :  la morale, comme tout système théorique, relève de l’axiomatique !

Le débat existe évidemment sur leur universalité. Ce débat peut être réglé en quelques minutes seulement et ne nous concerne pas ici.

Deux manières de les appréhender : soit positivement en recherchant ce qui les fonde, soit négativement en essayant de comprendre ce qui est en jeu lorsque nous avons le sentiment – la certitude – qu’elles sont bafouées.

Approche positive : le dialogue

Parce que la morale concerne nécessairement le rapport à l’autre, tout se joue dans la manière dont sont conçues et vécues les relations à lui. Les approches hégélienne, marxiste voire freudienne, aboutissent à la conclusion indiquée par Rousseau : l’humanité commence au dialogue.

Approche négative : la réalité du mal

On peut approcher nos valeurs fondatrices a contrario, par l’offense qui leur fut faite : le crime contre l’humanité en est la parfaite grille de lecture.

Ce qui fait le fonds du crime contre l’humanité, en sus des inévitables violences, cruautés qu’il révèle, c’est précisément la négation en l’autre de son humanité. La violence est toujours destructrice, mais rentre dans une cohérence stratégique, politique, ou économique qui permet au moins a posteriori  de l’expliquer. Le crime contre l’humanité, en l’espèce le génocide, va au-delà de cette destruction d’un ou de nombreux individus : il nie l’existence, même au passé, de l’humanité de l’autre. H Arendt montre que le plan nazi visait, après l’extermination, à en effacer toute mémoire en sorte que ni les camps ni les hommes ne pussent laisser aucune trace. Destruction des camps après usage ; absence d’acte de décès ; inexistence de tombes, destruction des actes de naissance : destruction deux fois d’un peuple, physiquement et dans la mémoire qu’on eût pu en avoir.

Beaucoup a été écrit sur le sujet : mentionnons seulement combien cette destruction savamment orchestrée - réduisant l’homme d’abord à l’état d’animal traqué, puis de choses - est une fin en soi  ne se justifiant que par soi et constitue le fonds du nazisme ; que cette destruction prend la forme de la réification :  la négation de l’humanité  en  l’homme .

Notre fond commun est bien l’humanisme où se joue la capacité de chacun de lier ou délier contrat, de s’engager ou se dégager, de définir objectifs et moyens, de les modifier ou simplement d’y renoncer. Ce qu’on nomme liberté.

on regardera (écoutera) avec intérêt la conférence donnée par  A Kahn que l’on trouvera sur la médiathèque de Paris Descartes :

http://mediatheque.parisdescartes.fr/
doc/racine/t/tzoritch/317642053A_Kahn_Ethique_1_57mn52.mov

d’où le fait que  la morale kantienne s'achève en métaphysique.

A. Comte-Sponville et L. Ferry, La Sagesse des Modernes, Robert Laffont, 1998, pp. 270-271.

Voir aussi André Comte-Sponville, Valeur et vérité, PUF, coll. " Perspective critiques ", 1994, chap. 11

« A chaque pulsation, la vie psychique de l’homme et de l’animal, qu’est-elle, sinon conscience de ceci ou de cela ". Husserl, Philosophie première, P.U.F.   tome I, p.75.

« Il peut y avoir un langage commun. Un des éléments qui me fait penser cela […] est que si les règles morales de la pensée éthique étaient totalement relatives, un discours faisant appel au bien et au mal datant de quelques milliers d’années nous serait totalement inintelligible d’un point de vue moral. » ibid.,20’54

H Arendt, les origines du totalitarisme

E Lévinas, Quelques réflexions sur la philosophie de l’hitlérisme, Esprit, 1934, réédité dans M Miguel Abensour, Le mal Elémental, ed Payot & Rivages 1997 http://www.anti-rev.org/textes/Levinas34a/

Ce n'est pas tel ou tel dogme de démocratie, de parlementarisme, de régime dictatorial ou de politique religieuse qui est en cause. C'est l'humanité même de l'homme.

E Lévinas, Quelques réflexions sur la philosophie de l’hitlérisme, Esprit, 1934, réédité dans M Miguel Abensour, Le mal Elémentaled Payot & Rivages 1997

Le texte est accessible à cette URL : http://www.anti-rev.org/textes/Levinas34a/

Nous avons essayé de les rattacher à un principe fondamental. Peut-être avons-nous réussi à montrer que le racisme ne s'oppose pas seulement à tel ou tel point particulier de la culture chrétienne et libérale. Ce n'est pas tel ou tel dogme de démocratie, de parlementarisme, de régime dictatorial ou de politique religieuse qui est en cause. C'est l'humanité même de l'homme.