Ethique & management

Quelques petites questions pour commencer

Beau sujet, piégeux à l'envi que celui-ci ! Bien petitement posé mais où les trois termes posent question.

Ethique : qu'entend-on par là ? mais surtout en quoi le terme se distingue-t-il de morale ? S'agit-il de fournir quelques règles de la bonne action, de l'action juste ou eficace ? ou s'agit-il d'en appeler à des valeurs ? Lesquelles et comment éviter qu'elles ne transforment le moraliste en censeur ?

Management : terme curieux, à l'étymologie incertaine mais riche, sur quoi nous reviendrons, qui semble ne rien dire de plus que gestion - mais est-ce le cas ? Derrière l'affectation techniciste de cet usage d'un concept apparemment anglais, en réalité bien plus ancien et latin, que se cache-t-il ? qu'avons-nous perdu, gagné, en passant de la direction à la gestion puis de la gestion au management ?

et : la copule si anodine qui feint de ne procéder que par entassement en vérité fait problème ! On ne fera croire à personne que les deux termes restent insensibles l'un à l'autre, qu'ils n'entretiennent pas des rapports sinon dialectiques, au moins récurrents, qui les modifient chacun dans le voisinage de l'autre ?
S'agit-il de laisser l'une dominer l'autre ? Evidemment, non ? Mais si la perspective d'une éthique fixant la ligne est insupportable, l'inverse tout autant ! L'éthique ne pourrait que s'y perdre à vouloir devenir le manager du management si évidemment on imagine mal le management définir à soi seul le bien, le juste, l'efficace.

Mais au fond toutes ces questions se ramènent à une seule :

Que veux-on ?

Pour autant qu'il s'agit d'un colloque, d'un espace réservé à la pensée, à la recherche et où l'on parle ensemble, on peut supposer qu'il est question d'analyse, avec un peut de chance, d'explication des rapports complexes entre éthique et management. Dans ce cas-ci nous avons à penser des modèles théoriques de management qui intègrent une dimension éthique . Laquelle ? dans ce cas-ci le management est l'alpha, la morale l'omega.

S'agit-il au contraire de construire des modèles pratiques du bon management c'est-à-dire des modèles qui débouchent sinon sur des consignes du moins des conseils; des règles ? Dans un tel cas la morale est l'alpha, le management le moyen terme, l'éthique, l'omega.

Bref veut-on moraliser le management ou manager la morale ?

Quelle posture ?

Ce qui ici se dira, sur quel sol s'appuira-t-il ?

Veut-on adopter une posture théorique mais alors il s'agit surtout de comprendre, d'expliquer ! S'agit-il au contraire d'agir c'est-à-dire de définir une véritable éthique du management qui permette aux théories du management de ne pas déroger aux principes qu'elles se seraient donnés ?

S'agit-il enfin de se poser non plus en chercheur, non plus qu'en acteur économique mais en enseignant ? mais alors on peut imaginer que la seule question qui vaille tient à la possibilité de penser, scientifiquement et pédagogiquement, le contenu, la portée de la mise en place d'un enseignement en éthique du management 1 comme ceci se fait ailleurs !

Et si on philosophait un peu ?

C'est la toute petite réflexion qui m'est venue en récapitulant toutes ces questions: on ne peut attendre de la philosophie une quelconque réponse immédiatement utilisable, elle n'en a ni l'expertise ni la volonté. Nous aider à poser le problème ? mais même ceci fait question ! Essayons pourtant même s'il n'est pas impossible que ce qui sorte de ce petit chemin à emprunter relève plus de l'évidence que d'une compétence accrue .


1) voir cette conférence sur la médiathèque de Paris Descartes