Marc Aurèle

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  Une statue géante de l'empereur Marc Aurèle  1 découverte en Turquie
Le Monde du 26/08/08

Après celle de César, celle de Marc Aurèle ! Rome se rappelle à nous dès lors que nous feignons de l'ignorer et j'avoue ne pas détester que ce fût sous la forme d'empereurs lettrés voire philosophe.

Je ne sais si le pouvoir rend fou 2 , il rend en tout cas rarement sage ; si le XVIIIe quêta les despotes éclairés il s'y trouva cependant plus de despotisme que de Lumières! Il n'empêche que l'histoire nous donne à entendre, çà et là, quelques politiques lettrés, au moins cultivés, et combien ces derniers tranchent aisément avec la valetaille. Il serait cruel de rappeler le tragique horizon de notre actuel président , rappelons simplement un De Gaulle, un Thiers  ou même un Mitterrand !

Nous savons les tentations d'un Platon, les inspirations d'un Robespierre ou les usurpations nazies sur Nietzsche : elles signalent les figures nécessairement tragiques d'une philosophie qui cesserait de se poser des questions pour prétendre apporter des réponses alors même qu'il reste parfaitement légitime de vouloir mettre en pratique cela même que l'on pense!

La retenue stoïcienne d'un Marc Aurèle nous enseigne ceci : qu'est vaine la gloire * et qu'il n'est de sagesse qu'à s'affairer autour de ce qui est en notre pouvoir. Or précisément, la mégalomanie du politique réside toujours, plus ou moins, dans l'illusion où il se met ou maintient de pouvoir tout faire, tout entreprendre comme si le réel avait cessé de lui résister ou qu'il disposât subitement de capacités surhumaines ! Je ne sais si le politique est une hypostase de Dieu, je sais en tout cas combien il joue - et croit se jouer du sacré - oubliant que le sacré ne peut qu'être à l'extérieur -principe ordonnateur - n'avoir pas réellement d'origine assignable, et demeure éternellement à l'orée comme s'il dût rester l'éternel exclus; le tiers3 !

C'est, sans doute, ce qu'il y a de plus intéressant dans le portrait que J Attali dresse de Mitterrand : la mise en évidence du provincial ! Comme s'il était deux versant à jamais irréconciliable de la France, ou qu'elle fût irrémédiablement condamné à ce dualisme métaphysique étrange qui jette de part et d'autre d'une ligne invisible, l'intériorité et l'ostentatoire, les racines et la carrière, la lenteur et l'impatience ! (voir) . Serait-ce que ce provincialisme jouerait comme tempérance de ce que le pouvoir eût de pathogène? A lire Attali on se prendrait presque à le croire !

Mais c'est bien alors le temps qui règle cette ligne de partage : entre impatience et éternité, ce délicieux délire qui vous fait subitement imaginer que le réel pût ployer sous les coups de buttoir de votre volonté !

Je n'ai jamais su qui de l'empereur ou du sage fit l'autre j'ai juste peine à concevoir que l'on pût être les deux simultanément !

1) sur Marc Aurèle
quelques textes de lui:

  1. se retirer en soi
  2. Ne pas témoigner d'animosité
  3. Aucun motif d'accuser Dieu
  4. Se comporter en adversaires est contrenature
  5. La philosophie pour supporter la vie
  6. Désir de gloire

2) Par exemple, ce que Jacques Attali en écrivait dans son introduction de Verbatim

Qui précède ces lignes, un portrait du Mitterrand de 81 :

3) voir ce que nous en écrivions ailleurs  ainsi que ici

 

Pensées pour moi-même

Ils se cherchent des retraites, chaumières rustiques, rivages des mers, montagnes : toi aussi, tu te livres d'habitude à un vif désir de pareils biens. Or, c'est là le fait d'un homme ignorant et inhabile, puisqu'il t'est permis, à l'heure que tu veux, de te retirer dans toi-même. Nulle part l'homme n'a de retraite plus tranquille, moins troublée par les affaires, que celle qu'il trouve dans son âme, particulièrement si l'on a en soi-même de ces choses dont la contemplation suffit pour nous faire jouir à l'instant du calme parfait, lequel n'est pas autre, à mon sens, qu'une parfaite ordonnance de notre âme. Donne-toi donc sans cesse cette retraite, et, là, redeviens toi-même. Trouve-toi de ces maximes courtes, fondamentales, qui, au premier abord, suffiront à rendre la sérénité à ton âme et à te renvoyer en état de supporter avec résignation tout ce monde où tu feras retour.
Car enfin, qu'est-ce qui te fait peine ? La méchanceté des hommes ? Mais porte ta méditation sur ce principe que les êtres raisonnables sont nés les uns pour les autres ; que se supporter mutuellement est une portion de la justice, et que c'est malgré nous que nous faisons le mal ; enfin, qu'il n'a en rien servi à tant de gens d'avoir vécu dans les inimitiés, les soupçons, les haines, les querelles : ils sont morts, ils ne sont plus que cendre. Cesse donc enfin de te tourmenter.
Mais peut-être ce qui cause ta peine, c'est le lot d'événements que t'a départi l'ordre universel du monde ? Remets-toi en mémoire cette alternative : ou il y a une providence, ou il n'y a que des atomes ; ou bien rappelle-toi la démonstration que le monde est comme une cité.
Mais les choses corporelles, même après cela, te feront encore sentir leur importunité ? Songe que notre entendement ne prend aucune part aux émotions douces ou rudes qui tourmentent nos esprits animaux, sitôt qu'il s'est recueilli en lui-même et qu'il a bien reconnu son pouvoir propre, et toutes les autres leçons que tu as entendu faire sur la douleur et la volupté, et auxquelles tu as acquiescé sans résistance.
Serait-ce donc la vanité de la gloire qui viendrait t'agiter dans tous les sens ? Regarde alors avec quelle rapidité l'oubli enveloppe toutes choses, quel abîme infini de durée tu as devant toi comme derrière toi, combien c'est vaine chose qu'un bruit qui retentit, combien changeants, dénués de jugement, sont ceux qui semblent t'applaudir, enfin la petitesse du cercle qui circonscrit ta renommée. Car la terre tout entière n'est qu'un point ; et ce que nous en habitons, quelle étroite partie n'en est-ce pas encore ? Et, dans ce coin, combien y a-t-il d'hommes, et quels hommes ! Qui célébreront tes louanges ?
Il reste donc que tu te souviennes de te retirer dans ce petit domaine qui est toi-même. Et, avant tout, ne te laisse point emporter çà et là. Point d'opiniâtreté ; mais sois libre, et regarde toutes choses d'un œil intrépide, en homme, en citoyen, en être destiné à la mort.
Puis, entre les vérités les plus usuelles, objets de ton attention, place les deux qui suivent : l'une, que les choses extérieures ne sont point en contact avec notre âme, mais immobiles en dehors d'elle, et que le trouble naît en nous de la seule opinion que nous nous en sommes formés intérieurement ; l'autre, que tout ce que tu vois va changer dans un moment et ne sera plus. Remets-toi sans cesse en mémoire combien de changements se sont déjà accomplis sous tes yeux. Le monde, c'est transformation ; la vie, c'est opinion.

Pensées, Il, 14 et Vl, 37. Trad. E. Brehier. Coll. Pléiade Gallimard, pp. 1149 et 1185.
 

Dusses-tu vivre trois mille ans et autant de fois dix mille ans, souviens-toi pourtant que personne ne perd une autre vie que celle qu'il vit, et qu'il n'en vit pas d'autre que celle qu'il perd. Donc le plus long et le plus court reviennent au même. Car le présent est égal pour tous ; est donc égal, aussi ce qui périt ; et la perte apparaît ainsi comme instantanée ; car on ne peut perdre ni le passé ni l'avenir ; comment en effet pourrait-on vous enlever ce que vous ne possédez pas ? Il faut donc se souvenir de deux choses : l'une que toutes les choses sont éternellement semblables et recommençantes, et qu'il n'importe pas qu'on voie les mêmes choses pendant cent ou deux cent ans ou pendant un temps infini. (...)
Quand on voit ce qui est maintenant, on a tout vu, et ce qui s'est passé depuis l'éternité, et ce qui se passera jusqu'à l'infini ; car tout est pareil en gros et en détail.

Pensées pour moi-même, Livre Vl, pensée 41, Les Stoïciens, textes choisis par J. Brun, PUF, 1966, p. 71

Si tu mets au rang des biens ou des maux ce qui ne dépend pas de ta volonté, il est impossible, au cas que ce mal t'arrive ou que ce bien t'échappe, que tu ne te plaignes pas des Dieux, et que tu ne haïsses pas les hommes, causes réelles, ou soupçonnées telles, de ta déconvenue ou du mal qui t'a frappé. Et nous commettons mille injustices, parce que ces objets ne nous sont pas indifférents. Au contraire, si nous considérons comme des biens ou des maux uniquement les choses qui dépendent de nous, il ne reste plus aucun motif d'accuser Dieu ou de déclarer la guerre à l'homme.

 

Pensées pour moi-même

« Dès l’aurore, dis toi par avance: « je rencontrerai un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un insociable. Tous ces défauts sont arrivés à ces hommes par leur ignorance des biens et des maux. Pour moi, ayant jugé que la nature du bien est le beau, que celle du mal est le laid, et que la nature du coupable lui-même est d’être mon parent, non par la communauté du sang ou d’une même semence, mais par celle de l’intelligence et d’une même parcelle de divinité, je ne puis éprouver du dommage de la part d’aucun d’eux, car aucun d’eux ne peut me couvrir de laideur. Je ne puis pas non plus m’irriter contre un parent, ni le prendre en haine, car nous sommes nés pour coopérer, comme les pieds, les mains, les paupières, les deux rangées de dents, celle d’en haut et celle d’en bas. Se comporter en adversaires les uns des autres est donc contre nature, et c’est agir en adversaire que de témoigner de l’animosité et de l’aversion. »

Pensées pour moi-même

La durée de la vie humaine? Un point. Sa substance? Fuyante. La sensation? Obscure. Le composé corporel dans son ensemble? Prompt à pourrir. L’âme? Un tourbillon. Le sort? Difficile à deviner. La réputation? Incertaine. Pour résumer au total, les choses du corps s’écoulent comme un fleuve, les choses de l’âme ne sont que songe et fumée, la vie est une guerre et un séjour étranger; la renommé qu’on laisse, un oubli.
Qu’est-ce qui peut la faire supporter? Une seule chose, la philosophie. Elle consiste à garder son démon intérieur à l’abri des outrages, innocent, supérieur aux plaisirs et aux peines, ne laissant rien au hasard, agissant sans feinte ni mensonge, n’ayant nul besoin qu’un autre fasse ou ne fasse pas telle action, acceptant les événements et le sort, dans la pensée qu’il vient de là-bas, et surtout attendant une mort propice à la pensée puisqu’elle n’est rien que la dissolution des éléments dont tout être vivant se compose; mais s’il n’y a rien de redoutable pour les éléments à se transformer continuellement, pourquoi craindrait-on le changement et la dissolution totale? Car c’est conforme à la nature; or, nul mal n’est conforme à la nature.

Désir de gloire?

Tu te laisseras entraîner par le désir de la gloire ? Considère la rapidité avec laquelle tous sont oubliés, l'abîme du temps infini dans l'un et l'autre sens, la vanité des paroles retentissantes, l'humeur changeante et indécise de ceux qui semblent te louer, l'étroitesse du lieu où cette gloire se borne : car la terre entière n'est qu'un point, et ce pays n'en est qu'une infime fraction ; et ici même combien y a-t-il d'hommes pour recevoir des éloges, et que sont-ils ?