La réforme | le précédent de l'amendement Wallon | Quelle lecture? |
La constitution de 58 | Texte et pratiques | La réforme de 2008 |
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La réforme de 2008A une voix près, dira-t-on, c'est bien juste ! mais après tout le législateur ayant prévu que toute modification constitutionnelle devait se faire au trois cinquième, cette petite voix de majorité traduit cependant une large majorité ! Ce n'est, après tout, pas la première fois dans notre histoire que ceci se produit et la fois précédente fut, ô combien, plus déterminante, plus fondatrice et, pour tout dire plus radicale. L'amendement Wallon en 1875Preuve que nos politiques savent quand il le faut être pragmatiques, souvenons-nous que la Chambre issue des élections de 70 était trop majoritairement royaliste, même si divisée en deux camps opposés et inconciliables, pour pouvoir statuer sur la nature du régime immédiatement après la défaite ! On doit à A Thiers, qui est loin d'être un révolutionnaire, d'avoir su temporiser, et tempérer les ardeurs de ceux que l'on appellera bientôt les radicaux (n'oublions pas que les socialistes après la Commune) sont provisoirement hors course. Une alliance opportune avec Gambetta permettra l'adoption pour la première fois d'un article constitutionnel impersonnel : la république était née ! Pour qu'une telle adoption fût possible il fallait trois conditions:
Quelle lecture en avoir ?On peut toujours avoir de ce type d'événement une lecture circonstancielle, au premier niveau, et alors, inévitablement, paraîtront les trahisons, les intérêts veules ou les lâchetés des uns ou des autres. On peut aussi, et d'après nous, il vaut mieux, tenter de comprendre les forces et les mutations à l'œuvre qui produisirent ces changements ! Il en va de même pour la récente modification de la loi constitutionnelle : il est vrai que sans le vote du président du Congrès (qui traditionnellement s'abstient dans de telles circonstances), sans celui positif de J Lang la révision eût échoué ! On peut toujours gloser sur les manipulations et autres pressions sur les parlementaires de la majorité initialement réticents à la voter mais de telles analyses ne mènent pas très loin! Sans doute vaut-il mieux prendre du recul et s'adosser aux différentes temporalités à l'œuvre dans le processus politique et considérer que cette voix de majorité fait partie des ruses de la raison ! Pour la République de 75Le temps était à la République. Les différentes restaurations depuis 1815 se sont toutes soldées par des échecs et, manifestement, l'instabilité politique du siècle aura grevé le décollage économique du pays - qui le paiera très cher ! Le corps électoral en 70 voulait sans doute la république mais voulait surtout la paix : les républicains - incarnés alors par Gambetta - représentant la poursuite à outrance de la guerre - il vota pour la paix et donc contre les républicains. La paix faite, et toutes les élections partielles en témoignent, il vota républicain ! Le temps était au libéralisme économique et certainement plus au corporatisme d'ancien régime : le projet de restauration du Comte de Chambord était anachronique, suranné, condamné d'avance ! Les orléanistes, de ce point de vue, étaient plus proches des républicains que des légitimistes : quand il s'avéra que la question du drapeau devenait irréfragable, ils versèrent où allaient leur conception moderne et résolument bourgeoise de la société française! Nul doute qu'une restauration de type Chambord n'eût pas tenu ! Ils voulurent la stabilité : force est de constater qu'en dépit de ses faiblesses, qui apparurent plus tard, cette constitution républicaine si mince -trois lois seulement - la leur apporta : le régime tenu 70 ans ! Du coup on peut considérer que la temporisation de Thiers, dès 70, consistant à obtenir de la Chambre, le pouvoir de faire la paix, et de ne décider de la forme constitutionnelle du régime qu'après cela, que cette habileté politique qui fit que durant presque cinq ans, la France vécut sous une république qui ne dit pas son nom, sous un régime transitoire sans règle véritablement définie, sous le système monocaméral d'une Chambre dont le mandat n'avait aucun terme et qui fonctionnait à la fois comme une constituante et comme une législative, fut la forme historique que prit, dans notre histoire, à la fois l'entrée dans la modernité et le solde de tout compte de la Révolution de 89 ! A l'opposé des débats idéologiquement intenses des incertitudes révolutionnaires (de 89 à l'empire) on eut ici un débat a minima, pragmatique ... et terriblement efficace ! La France s'habitua à la république sans nom, vit que l'instabilité avait changé de camp : le jeu habile aura fonctionné puisque progressivement les élus non républicains cesseront d'être une force politique d'importance pour ne devenir qu'anecdote ou force d'appoint ! Le débat était désormais entre républicains et ceci dès le coup manqué de 1877 ! Pour la République de 58Ne jamais, pour la comprendre, oublier qu'elle trouve son origine profonde dans le désastre de 40 ! Le coup de barre si fortement marqué vers l'exécutif, au détriment du législatif, provient de la conscience aiguë que si en 40 il y avait eu un véritable chef d'Etat, le renoncement pétainiste n'eût pas pu avoir lieu ! Mais pour que ceci fût possible, pour citer de Gaulle, encore eût-il fallu qu'il y eût un chef, qu'il y eût un Etat ! Si la république de 75 avait su résister à la guerre de 14, elle succomba à la défaite de 40 ! Remarquons d'emblée deux points:
La constitution de 58 voulut régler un débat que ni la Constitution de 91, à cause de la place réservée au Roi, ni celle jamais appliquée de 92, ni surtout celle de 75, parce qu'instituée, pragmatiquement, au fil de l'eau des usages parlementaires ne surent régler : celle des rapport entre l'exécutif et le législatif :
Le pouvoir présidentiel à l'américaine sembla longtemps inapproprié à la France qui ne bénéficiait pas d'un système bipartisan comme aux USA ou au Royaume-Uni ! Le régime parlementaire quant à lui aboutit vite à la prédominance du législatif et donc à l'instabilité gouvernementale ! Un compromis apparemment viableLa constitution de 58, surtout avec la modification substantielle de 62 ( élection du président au suffrage universel) apparaît comme un véritable compromis entre le régime parlementaire et le régime présidentiel :
Un régime hybride que celui de la Ve République, ce qui en fit vraisemblablement la force et la longévité, même si on put croire le contraire à ses débuts. D'avoir pu survivre aux trois cohabitations aura été plutôt un bon signe même, si progressivement c'est la nature du régime qui aura changé ! Un régime présidentiel hybride au moins dans le sens où il est à la fois pleinement acteur de la vie politique - et même le principal - alors même qu'il conserve le rôle d'arbitre et de recours. Or ce qui aurait pu être la faiblesse du système - cet arbitre qui est en même temps dans le jeu- aura fini par être une force. Remarquons néanmoins que le primat de l'exécutif résulta au moins autant de dispositions constitutionnelles que du règlement intérieur du parlement :
Or tout ceci aura pu se faire alors même que le texte définissant le rôle du président de la république est quasiment le même que celui de la constitution de 1875 .
Une tradition républicaine résultant au moins autant des textes de 1875 que de la pratique
on peut en dire autant de la constitution de 58La personnalité même de de Gaulle, son rôle historique ne pouvait que marquer les débuts de la Ve :
Les attendus de cette réformeLa présidence de Mitterrand, les trois cohabitations auront ainsi considérablement accentué la dimension présidentielle du régime au point qu'on a pu dire qu'aucun dirigeant républicain au monde ne dispose d'autant de pouvoirs sans contrepouvoirs ! Ce qui est sans doute exact ! La réduction, apparemment anodine au quinquennat et, surtout, la nécessité imposée par la loi que les présidentielles succèdent aux présidentielles, marquent définitivement le présidentialisme du régime, en interdisant, de fait, la possibilité d'une cohabitation, et d'une dissolution, sauf crise grave en cours de mandat ! En conséquence le législatif se voit désormais privé d'un levier de pression sur l'exécutif. Ce que, vraisemblablement la droite comprit avant la gauche L'objectif affiché de cette réforme est ainsi de renforcer les pouvoirs du parlement qui aura eu tendance à ne plus être qu'une simple chambre d'enregistrement ! Qu'y trouve-t-on ?La réforme concerne 47 articles – sur 89 – de la Constitution de 1958. :
Sous réserve que les pratiques politiques peuvent donner un avenir à ces réformes ou au contraire les vider de tout contenu, on remarquera que cette modification touche à plusieurs points importants :
Comme toujours, l'imputation politicienne peut être avancée, ou la sincérité imparable ! Avec un peu d'optimisme on peut toujours espérer que le corps politique saura anticiper les éventuelles menaces ou au moins atténuer les aspérités des menaces potentielles d'une telle réforme ! On peut aussi craindre que la classe politique se couche devant le puissant du jour, comme elle a déjà montré savoir le faire (ne penser qu'à ces jours sombres de Juillet 40 où la Chambre du Front Populaire, certes amputée des députés communistes et de ceux qui étaient au front, mais la Chambre de 36 quand même, ne trouva que quelques quatre-vingt députés pour sauver l'honneur et refuser de voter les pleins pouvoirs à Laval et Pétain ! Comparaison n'est pas raison, certes , et il faudrait beaucoup de mauvaise foi pour confondre homme providentiel et hyperactif ! Il n'empêche que l'actuel hôte du palais de l'Elysée a trop la culture de l'action et du résultat, trop peu de patience politique pour ne pas bousculer le rythme, nécessairement lent, du débat républicain, parlementaire. C'est bien ceci qui inquiète: derrière l'apparente restauration des prérogatives parlementaires et le respect proclamé pour nos institutions, que se glisse quelque chose comme un causez toujours ! moi, pendant ce temps, j'agis ! C'est toute la question, c'est tout le débat ! Notre histoire depuis 89 s'est presque toujours refusée au césarisme, refusant que le destin de la Nation fût assumé par un seul ! En laissant se dérouler le débat, mais en se mettant dans la position de n' avoir jamais à en tenir compte, Sarkozy tourne le dos à l'âme de la république !
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