Quoi de commun entre ces quatre photos ?
Le déporté du Goulag, le glorieux lauréat du Nobel, et
cette figure presque effacée, si cireuse qu'on la croirait échappée de
Grévin ?
L'omniprésence du politique, assurément !
Victime avant d'être héros, cet écrivain aurait-il obtenu le Nobel si ce
n'avait aussi été le moyen pour l'occident de fustiger l'URSS et de protéger
ceux qui la combattaient ? Le voici rattrapé par l'institution sur la fin de
sa vie, goulument cajolé par un Poutine en quête d'histoire !
Le politique récupère toujours ses enfants à la fin de
l'histoire et il y a sans doute pas mal d'ironie à voir cet homme devenir
-malgré lui ? - le chantre d'une Russie moins moderne que corrompue,
moins libérale qu'autocrate ! A sa façon il me fait penser à Chateaubriand,
frénétiquement fidèle à un Ancien Régime qu'il sait pourtant forclos,
passant sa vie à côté de l'histoire sans pouvoir la conter autrement
qu'outre-tombe !
Littérature et politique braconnent souvent sur les mêmes
terres mais la première y joue plus souvent qu'à son tour le rôle de gibier
Il était de ces intellectuels que l'on dit engagé et, sans
doute, en faut-il de ces hommes qui bravent la censure et la répression pour
créer les conditions de l'effondrement des dictatures: mais l'intellectuel
n'est jamais suffisant; ici, en l'occurrence, le système s'effondra de
lui-même, incapable qu'il devint de s'inventer un avenir qui dépassât ses
contradictions.
Il restera, l'homme révolté ! mais l'écrivain ? le lit-on
encore ? le lira-t-on demain ?
Le politique souvent tue le littéraire !
Je ne sais pas si on peut encore conjuguer littérature et
engagement !
Et si on ne le peut plus, vraiment, c'est que, peut-être le
roman, au sens où nous l'entendons encore, cesse d'être possible. Balzac, en
même temps qu'il dessinait les contours de la comédie humaine, dressait un
portrait acide des turpitudes bourgeoises; Zola ausculta en géologue les
strates diverses de la société en quête de quelque fossile d'humanité. Aucun
des deux ne fut révolutionnaire, mais tous les deux firent œuvre durable en
ceci qu'ils ne se contentèrent pas de seulement raconter des histoire mais
qu'au contraire leur plume d'emblée relevait du parti pris. En réalité il
n'est pas de littérature qui ne soit insurrectionnelle. Et tant pis pour
elle, pour nous, si elle s'y refuse.
Je vois aujourd'hui, ici des engagements, là des romans;
mais les deux réunis, plus !
Le roman est-il mort ?
Quant aux engagements, je les vois sinistrement
conventionnels quand ils ne sont pas furieusement conservateurs !
Quand s'éteignent rêve et révolte la littérature se meurt
et le politique se sclérose !
Nous en sommes là ! Mais nous en étions déjà là en 1890 !
L'histoire peut-être n'est-elle qu'un éternel
recommencement ! Mais il est vrai que je n'aime pas quand les sociétés ont
peur : elles se réfugient en général dans la pire des frilosité !
Immanquablement cela donne 14 ou le fascisme et, souvent, les deux !