Cette
effigie de César, apparemment réalisée de son vivant, retrouvée récemment à
Arles ...
Un visage étonnamment contemporain, presque vivant où le
regard suspicieux le dispute à l'agacement. Plus évocateur me semble-t-il
que les statues réalisées ultérieurement, à sa gloire mythique. C'est
que le personnage est d'importance qui signe le début de la Rome impériale,
l'apex de la gloire antique, mais aussi l'historien en acte au moins autant
que l'exemplaire de la violence politique, perpétrée ou subie !
Issu d'une famille, certes patricienne, mais finalement
assez modeste, cet homme parvint aux faîtes de l'histoire. Il y a quelque
émotion à regarder ainsi, à 2000 ans de distance, celui qui sut ainsi se
tenir à la croisée des lettres, du pouvoir et de l'histoire, celui qui sut,
surtout, fonder une gens !
C'est peut-être à cela, au delà des prévarications
ordinaires de l'ambition politique, que l'on reconnaît le grand homme ou
l'apprenti dictateur : non tant à ce désir finalement bien trivial, de
laisser une trace dans l'histoire, qu'à cette rage à se tenir aux lieux même
de l'origine. Qu'il y parvienne et ce sera un fondateur; qu'il y échoue, et
il demeurera un vulgaire dictateur.
Aux prémisses de notre ère, celui-ci enfouit dans le sol
romain, les pierres de notre modernité, en tout cas de cet occident que l'on
sent désormais fléchir ! Presque contemporain du Christ, il incarne ce
pouvoir, à quoi il faut se rendre, par feinte ou désespoir, (Rends à
César ce qui appartient à César), ce pouvoir exclusif de toute
autre réalité. Mais il incarne également toute l'aporie de celui qui ne peut
s'offrir l'origine qu'en enfouissant la sienne dans le mythe, dans le
fleuve. Comme si celui qui voulait être ne le pouvait qu'en n'étant de nulle
part, ou qu'il ne puisse contrefaire la puissance qu'en s'égarant dans les
limbes divines.
« Les dieux n’étant plus, et le Christ n’étant pas
encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l’homme
seul a été »1
Comment ne pas songer à cette formule de Flaubert ? Un
autre temps viendra, qui fondera sa puissance sur le goupillon plutôt que
sur le glaive, ou qui, plus exactement, feindra la spiritualité pour mieux
asseoir la puissance du politique. Ce temps est désormais forclos,
provisoirement du moins ! C'est pour ceci que revient l'opprobre des
dictateurs.
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1) Flaubert cité par M
Yourcenar dans ses
Mémoires d'Hadrien