Horizon, ligne de mire, perspective infranchissable qu'il
déclare nonobstant avoir parcouru.
Horizon qui ressemble à s'y méprendre à cet infini que l'on
peut, à l'envi et sans se contredire, définir à la fois comme ce en dehors
de quoi il n'y a rien ou bien ce en dehors de quoi il y a toujours quelque
chose.
Horizon qui assurément dessine comme un espace intérieur où
les battements de nos tensions scandent comme une musique originaire.
On est toujours de quelque part, on naît toujours en
quelque endroit: l'horizon qui s'y dessine, au gré vous enferme ou vous
emporte. Les uns parleront de racines, les autres d'hominescence. J'aime ces
frontières qui n'en sont pas, ces frontières qui se repoussent, en réalité
qui se déplacent à mesure que l'on avance.
Ces lignes ont à voir avec la pensée, comme ce sillon que
trace Romulus, ou cet espace du Temple que pose Moïse. Oui, l'horizon a
affaire avec l'origine au moins autant qu'avec la pensée. L'horizon définit,
nous définit. Mieux, sans doute nous définissons-nous nous-mêmes dans notre
rapport à l'horizon.
C'est pour ceci que j'aime ceux qui savent faire resurgir
leurs paysages intérieurs parce que l'on y retrouvera toujours, à peine
esquissés ou proclamés quelque chose de cette rage à pourfendre ou de cette
obsession à se soumettre.
Parce que l'horizon est un miroir : le nôtre !
Parce que l'horizon révèle ce que l'être doit au devenir.

1)
c'est
le titre d'un ouvrage de M Serres
Que retenir du XXe siècle ? Depuis 1945,
la bombe atomique menace l’humanité d’extinction ; nous ne risquons plus la
petite vérole, éradiquée en 1970 ; mangerons-nous des OGM ? Munie
d’ordinateurs, notre pensée changera-t-elle ? Voilà une mort, un corps et
des réseaux nouveaux.
Pour résumer ces innovations évolutives,
j’ai forgé le mot d’hominescence. Des mots comme adolescence : encore
enfant, l’adulte se forme ; ou luminescence : de faible lueur, naît la
lumière… éclairent ce néologisme, étrange et exact, qui marque une émergence
hominienne.
Quand, par son corps et la mort, il
change le rapport à soi, par l’agriculture et le climat, ses relations au
monde, et par les communications, son entretien avec les autres, s’agit-il
toujours du même humain ? Nous vivons un moment décisif du processus qui
nous façonne. Inquiétante pour certains, cette naissance en enthousiasme
d’autres. Nous la suscitons sans savoir quel homme elle crée, assassine ou
magnifie. Michel Serres